Mercedes SLS AMG : Essai

GT ou supercar ? Mercedes et AMG ont concocté une voiture tentant de jouer dans la cour des supercars avec une image de GT. Exercice réussi ?

La nuit automnale est déjà tombée, le thermomètre n’indique que huit timides degrés centigrades à l’entame des courbes qui mènent au Mollendruz. Dans les relances, le train arrière amorce de se dérober sous l’avalanche de couple du 6.3L, mais c’est le train avant qui retient toute mon attention. La direction est peu démultipliée, un trait commun avec les V12 Ferrari, mais également très peu communicative, presque aphone, m’empêchant de décoder ce qu’il se passe sous les gommes avant, quelquepart au loin sous l’imposant capot. Adhérence précaire ou train arrière baladeur ? L’incertitude ne met guère en confiance, la perspective de planter une SLS AMG dans un sapin du Jura vaudois ne paraît pas être la meilleure manière de terminer la semaine. Sur les rectilignes, le V8 respire à pleines bronches, des harmonies de grande orgue de cathédrale, un chant destiné à tutoyer les rois et écraser les pénitents. Le couple à bas régime parait modeste, mais dès 3500 tours, l’accélération est considérable et le désordre de leds multicolores s’allumant bien tôt au centre du combiné d’instruments une distraction malvenue. Cap sur la maison, non sans pester contre les énormes rétroviseurs qui péjorent la visibilité latérale à l’approche de ronds points.

 

Il pleut le lendemain, mais il fait au moins jour. L’occasion d’étudier la création d’AMG en détail. La présence est indéniable, l’auto paraît longue, large, basse, élégante et agressive. La filiation avec la 300SL type W198 de 1952 est présente mais sans faute de goût, une interprétation moderne plutôt qu’une copie néo rétro. Le seul détail qui me dérange visuellement est la petitesse des vitres latérales, un tribut à payer aux portes en papillon. Un test rapide auprès de la gent féminine est sans appel : la ligne séduit, l’ouverture des portes épate.

Se glisser à l’intérieur demande souplesse et habitude, la meilleure méthode étant de pivoter sur le bras pour franchir les énormes caissons latéraux pour aller loger son séant dans les baquets AMG en option. Leur étroitesse me surprend, tant ils paraissent serrés pour ma frêle charpente. Le seul réglage disponible est la position longitudinale, mais la résolution du triangle fesses-pieds-mains est possible pour mon gabarit. La garde au toit pose problème pour mon mètre quatre-vingt-deux car les sièges ne sont pas réglables en hauteur. En conditions routières, pas de problèmes, même si les petits gabarits pourraient avoir des problèmes de visibilité vers l’avant. Le port de mon casque pose par contre un éminent problème : malgré les dégagements dans le sommet des portes, je me heurte aux arêtes du centre du toit. Réellement préoccupant pour une voiture qui ne pourra déployer son potentiel que sur piste.

La décoration intérieure est sobre, soulignée par les coutures contrastant avec le cuir fin et soyeux. La majorité des éléments de commande sont repris de la gamme Mercedes, un plus en familiarité, un moins en exclusivité. Le graphisme des instruments n’est guère à mon goût. Mon bras gauche cherche bien haut la poignée pour rabattre la porte. La ceinture de caisse passe à hauteur d’épaule, l’habitabilité restreinte, sans espace de rangement derrière les sièges. Deux pressions sur le bouton de démarreur et le V8 s’ébroue démonstrativement puis se stabilise sur un ralenti empressé.

Le V8 6.3L (6208 cm3 en fait) a été créé par AMG pour donner une touche plus émotionnelle aux V8 performants de la marque, rompant avec la lignée des compresseurs volumétriques qui l’avaient précédé. Apparu tout d’abord en 2006 sur l’E63 AMG (507 chevaux), il a été ensuite décliné sur quasiment tous les modèles phares de la gamme Mercedes avec de légères différences de couple et puissance. AMG en a développé une version plus radicale pour la SLS, adoptant une lubrification par carter sec et revoyant en profondeur les flux de gaz de l’admission à l’échappement. Le résultat est le V8 de série le plus puissant au monde, avec 650 Nm à 4750 t/min et 571 chevaux à 6800 t/min, faisant la nique à Ferrari et sa 458 Italia de 570 chevaux.

Le V8 AMG est couplé à une boîte 7 vitesses à double embrayage d’origine Getrag montée en disposition transaxle devant l’essieu arrière pour équilibrer les masses. Cette boîte représente plus qu’une faiblesse pour la SLS AMG, c’est une véritable énigme. En conduite coulée, la boîte Speedshift se comporte avec docilité et prévenance, se faisant oublier alors que le V8 ronronne. Un commutateur sur la console permet de choisir entre quatre modes (C, S, S+ et M), et des palettes derrière le volant permettent de forcer la montée ou descente des rapports en tous temps. Ou presque. On remarque tout d’abord que la boîte Speedshift rechigne à autoriser les très bas régimes, malgré la souplesse et le couple du moteur. En passant aux modes S et S+, la gestion maintient des régimes moteurs plus agressifs, mais tant les rétrogradages que les montées de rapport peinent à s’adapter au rythme de conduite. Trop tôt, trop tard, on est très souvent pris au dépourvu. Reste le mode M qui devrait surmonter les errements de la logique de gestion ? Les délais entre l’action sur les palettes – en plastique, un comble sur une voiture de ce prix – et le changement de vitesse sont d’une durée incompréhensible, tant à la montée qu’à la descente des rapports. Dans le mode M, AMG revendique 100ms de temps de passage, mais c’est le délai entre la requête du pilote et la réaction de la boîte qui paraît interminable.
En comparaison, la boîte de ma vénérable Ferrari 355 GTS F1 qui rentre dans sa treizième année parait plus réactive et prédictible en conduite sportive. Cerise sur la tourte, AMG n’a pas réussi non plus le tarage des palettes. Elles sont trop dures, leur débattement trop court. Invraisemblable, anachronique, un ratage complet. Les coups de gaz démonstratifs et pétarades au rétrogradage n’y changent rien, il ne reste qu’à composer avec ce handicap et la retenue qu’il requiert.

Si la boîte est une énorme déception, le moteur est, lui, une grande réussite. Hormis la plage entre 2500 et 3500 tours où la courbe de couple s’infléchit, les montées en régime sont enthousiasmantes, accompagnées du fabuleux son provenant tant de l’admission à l’avant que des échappements à l’arrière. Malgré quelques heures de jeu dans la sécurité et quiétude d’un aéroport civil, il est impossible de se lasser d’un monument pareil. L’expérience n’est pas encore comparable avec la furie d’une Ferrari 599 où les étourdissantes montées en régime d’une 458 à la puissance similaire mais au couple moindre. La cavalcade des 571 chevaux demeure une expérience particulièrement addictive, la signature de la SLS AMG.

Le tarage du chassis est très ferme et les suspensions ne sont curieusement pas réglable en amortissement. La fermeté n’est pas sans rappeler les sensations de ma Porsche 997 GT3, c’est dire. Lombaires fragiles s’abstenir, surtout avec les baquets optionnels. La rigidité structurelle impressionne également, donnant à l’ensemble une intégrité permettant de bien faire corps avec l’auto. Le poids demeure respectable avec 1676kg vérifiés avec le plein d’essence sur nos balances (46.5% AV, 53.5% AR), soit une cinquantaine de plus que les revendications de Mercedes. Pour comparaison, notre Ferrari 458 d’essai pesait 1598kg et la dernière 599 passée entre nos mains pesait 1800 kg avec des freins aciers et des sièges baquet. Sur un slalom côné, les réactions sont rapides et le placement précis, mais une légère inertie à la prise d’appui est perceptible.

Sur ce terrain, la permissivité de l’ESP déjà ressentie sur route est encore plus flagrante, elle pourrait même surprendre. La nounou électronique a été voulue très libérale, ça surprend, à fortiori chez Mercedes. La répartition des masses, le couple et le rayon de braquage pourraient sans nul doute faire de ce grand coupé une drifteuse redoutable. Promesse faîte au propriétaire, nous ne bousculerons pas plus la baronne allemande.

Sous plusieurs angles, la SLS franchit allègrement la frontière entre GT et supercar. Pas assez pratique, utilisable ou maniable pour être utilisée sans arrière pensées dans n’importe quelles conditions. Imparfaite, impressionnante parfois, distillant une expérience particulière, du confinement de son habitacle à son moteur omniprésent et sa motricité parfois volage. Des sensations brutes qui en font une voiture qu’on sort pour se faire plaisir le week-end plutôt que pour cohabiter la semaine. Mercedes a vendu 125 SLS AMG en Suisse en 2010, soit 5 de plus que Ferrari et sa magistrale 458 Italia, un chiffre excellent qui ne peut pas s’expliquer que par l’aura du pace car de Bernd Maylander sur les courses de F1.

Prix des principales options (CHF)

Pack carbone intérieur 12’540.-
Jantes forgées 19/20 pouces à 10 rayons 3’585.-
Cuir nappa designo 4’480.-
Freins composites AMG 17’020.-
Sièges baquet sport AMG 5’915.-

Face à la concurrence

Mercedes SLS AMG

Ferrari 458

McLaren MP4-12C Porsche 997 GT2 RS
Moteur V8 – 6208 cm3 V8 – 4499 cm3 V8 – 3800 cm3 biturbo B6 – 3600 cm3 biturbo
Puissance (ch / régime) 571 / 6800 570 / 9000 600 / 7000 620 / 6500
Couple (Nm / régime) 650 / 4750 540 / 6000 600 / 3000-7000 700 / 2250
Transmission Propulsion Propulsion Propulsion Propulsion
Boite à vitesse Speedshift DCG 7 rapports Double embrayage, 7 SSG 7 rapports Mécanique, 6
RPP (kg/ch) 2.94 2.80 (2.39) (2.71)
Poids à vide (constr.) 1676 (1620) 1598 (1485) (1434) (1445)
0-100 km/h (sec.) 3.8 3.4 3.1 3.5
Vitesse max. (km/h) 317 > 325 330 330
Conso. Mixte (constr.) 14.76 (13.2) 18.94 (13.7) (11.7) (11.9)
Capacité du réservoir (l) 85 85 n.c. 90
Emissions de CO2 (g/km) 308 307 279 284
Longueur (mm) 4639 4527 4509 4469
Largeur (mm) 1939 1937 1908 1952
Hauteur (mm) 1262 1213 1199 1285
Empattement (mm) 2680 2650 2670 2350
Coffre 176 230 n.c. 105
Pneumatique AV 265/35/19 235/35 ZR20 235/35/19 245/35/19
Pneumatique AR 295/30/20 295/35 ZR20 305/30/20 325/30/19
Prix de base (CHF) 280’000 285’000 270’000 369’000
Prix de base (EUR) 199’000 196’933 180’000 239’589

Nos sincères remerciements à Franck Milet, directeur de Carz, pour le prêt d’un des joyaux de la flotte du club qui compte une palette de GTs et sportives toutes plus désirables les unes que les autres.

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