Essai Jaguar XFR: sous son trench Burberry, un tigre … du Bengale.
En cette période mi-figue mi-raisin pour l’industrie automobile qui aura vu Ford, le tonton d’Amérique, être contraint de céder le contrôle de son joyau, Jaguar, à Tata l’Indien, la marque de Coventry semble conjurer le mauvais sort en nous présentant la version en tenue de sport de sa berline XF. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils n’ont pas fait dans la nanotechnologie.
A l’extérieur, le design de Ian Callum n’a pas été bouleversé. A l’image de ses concurrentes d’Outre-Rhin et aux antipodes du dessin baroque de son aïeule la Type S, la Jaguar XFR affirme discrètement ses velléités sportives par le truchement de prises d’air redimensionnées et cerclées de chrome dans le bouclier avant, deux ouïes discrètes sur le capot, des bas de caisse profilés, un béquet sur la malle, quatre sorties d’échappement polies et de magnifiques jantes en 20’’ badgées « Supercharged ». La teinte exclusive à ce modèle « Kyanite Blue », chatoyante comme un sari, alliée aux faibles surfaces vitrées confèrent au tout une élégance discrète, sport-chic, idéale pour parader sans tapage dans les beaux quartiers. A ceux qui reprochaient à la ligne de la XF sa banalité et quelque similitude avec les insipides créations coréennes, avouez tout de même qu’ainsi affublée la version R dispose d’une belle personnalité. En tous les cas je suis sous le charme.
Chez Jaguar, le sport est indissociable du raffinement. En pénétrant à son bord, force est de constater que l’habitacle de la XFR ne déroge pas à la règle. Vous connaissez déjà l’agencement de la XF, avec son design épuré recelant d’originales attentions comme le « Jaguar Drive Selector », commande des rapports de la boîte automatique qui s’escamote comme par enchantement du tunnel central au démarrage et se rétracte automatiquement à l’arrêt, l’ouverture « magique » de la boîte à gants sans contact et les aérateurs faciaux occultables permettant de lisser la planche de bord. La mouture « R » reprend bien entendu ces éléments caractéristiques tout en y ajoutant des accessoires spécifiques. Ainsi, les sièges adoptent un dessin plus enveloppant, assurant un maintien parfait du corps en virage tout en offrant un confort princier. La planche de bord, estampillée du logo « R », s’habille d’une finition en aluminium au relief en nid d’abeille et les compteurs au dessin simpliste sont signés d’un discret « Supercharged » évocateur. A ma grande surprise, qui plus est sur un modèle sportif, les indicateurs de température d’eau et/ou d’huile brillent par leur absence. Les boiseries, indispensables à bord d’une Jaguar, jouent la carte de la sobriété en adoptant l’essence de chêne et une teinte gris foncé. Elles sont disposées avec parcimonie principalement sur le tunnel central et les contre-portes. Le cuir ornant les sièges, les portes et la planche de bord est soyeux au toucher et termine de créer cette atmosphère particulière de salon cosy. A noter l’utilisation d’un velours proche de l’alcantara pour le ciel de toit et les montants pour la note sportive.
La finition et la qualité des matériaux sont de premier ordre et n’ont rien à envier aux concurrentes teutonnes. L’ensemble respire la modernité, au détriment à mon avis d’une pointe de gaieté dans le choix des peausseries de notre modèle d’essai. Le nuancier de la marque propose cependant d’intéressantes combinaisons. Enfin, le côté high-tech tant dans la présentation que l’équipement offert ravira les fans de gadgets.
Le côté fonctionnel de l’auto n’a pas non plus été ignoré. Les espaces de rangement sont nombreux et le coffre, particulièrement bien agencé, offre une contenance de 500 litres. Trois passagers peuvent prendre place à l’arrière grâce à un accès aisé. Petit bémol tout de même, l’occupant de la place centrale devra composer avec l’imposant tunnel de transmission et l’espace aux genoux pour les grands gabarits est chichement compté si les sièges avant sont reculés à leur maximum.
C’est sous son capot que notre gros matou cache sa botte secrète. Jaguar nous offre une nouvelle évolution de son V8 ; la cylindrée passe de 4.2 à 5.0 litres, l’injection directe s’invite au programme et un compresseur volumétrique vient se lover entre les bancs de cylindres. Résultat des courses : 510 CV à 6’000 t/min et un couple de 625 Nm dès 2’500 t/min, le tout passant uniquement par les roues arrière. Inutile de vous préciser que cette artillerie se joue des 1’896 kg de notre Jag’ avec une facilité déconcertante. Le 0 à 100 km/h est annoncé en 4.9 sec et le passage de 80 à 110 km/h s’effectue en 1.9 sec. La boîte de vitesses automatique à convertisseur dispose de 6 rapports ainsi qu’un mode manuel avec palettes au volant, ou comment allier confort et plaisir.
Compte tenu de ces prestations, l’architecture des trains roulants a également été optimisée. Ainsi, les disques de freins avant passent de 355 à 380 mm, mordus sans ménagement par les impressionnants étriers marqués du « R ». La suspension abandonne le système « CATS » pour le « Adaptive Dynamics » à la gestion plus fine offrant en permanence le meilleur compromis entre confort et sportivité.
Du côté des béquilles, vous trouverez un différentiel à gestion électronique qui permet de transmettre le couple à la roue la plus adhérente en cas de glissement et le « Trac DSC », autrement dit ESP, jouant les Vishnu protecteur de service. Avec une telle puissance de feu dans le dos, sa présence est indispensable ! Son fonctionnement en mode normal est particulièrement intrusif, coupant sans ménagement les gaz afin de juguler la moindre incartade de l’essieu arrière. Pour les plus téméraires ou amateurs de sensations fortes, le Trac DSC est déconnectable, soit partiellement ou totalement. Au sujet des coûts de fonctionnement, il est à relever une consommation moyenne très honnête durant notre essai, 13.7 l/100 km, sachant que nous avons cumulé autoroute, ville et tracés montagneux sur près de 1500 km. Relativement sobre la bête !
Sur route ouverte, la Jaguar XFR sait se faire parfaitement docile. En conduite coulée, la boîte égrène les rapports avec une douceur proverbiale et le ressenti au volant est très homogène, doux mélange de confort et sportivité. L’assistance de direction est consistante, communiquant ce qu’il se passe sur le train avant et sera, avec son assistance surmultipliée à faible vitesse, votre parfaite alliée lors des manœuvres. La suspension pilotée remplit sa tâche sans faillir, contenant à la fois les mouvements de caisse et ménageant vos lombaires. Son tarage est paramétrable grâce à un mode « Dynamique », agissant également sur la vitesse des passages de rapports en mode manuel. D’ordinaire plus sec que sur la XF standard, l’amortissement se durcit alors encore plus, sans toutefois devenir « tape-cul », mais garantit en permanence un comportement sûr et efficace. La réserve de puissance sous le pied droit est en tout temps largement suffisante, avec une progressivité de la pédale savamment étudiée autant pour mesurer avec précision et onctuosité la hargne du moteur dans les bouchons urbains que délivrer toute la rage du V8 à la première sollicitation une fois l’horizon dégagé.
Ma grosse déception provient de l’agrément auditif. De l’extérieur les borborygmes caractéristiques des « gros cubes » sont particulièrement flatteurs, mais à l’intérieur règne un silence de cathédrale. Satanée insonorisation ! Bien sûr la vocation d’avaleuse de kilomètres de l’auto privilégie le confort sonore, mais pour l’amateur de mécanique que je suis c’est comme si je regardais un film de Bollywood sans le son. Même en ouvrant les fenêtres la symphonie de l’octuor est couverte par les bruits aérodynamiques et de roulement. Vraiment dommage ! A noter par contre l’absence quasi-totale de sirénage du compresseur, habituellement présent sur les mécaniques suralimentées par ce biais.
Lorsque le rythme s’accélère, notre belle fait preuve d’une belle agilité. Dans les enchaînements rapides, toutefois, l’inertie se fait malgré tout ressentir tandis qu’un fading très prononcé apparaît rapidement lors de freinages fréquents et appuyés. L’utilisation du mode manuel de la boîte de vitesses manque de réactivité provoquant un lag un tantinet trop long à mon goût entre la commande et le passage du rapport. Sur ce point, la XFR marque un pas significatif comparativement à ce que l’on peut trouver sur ses concurrentes.
Par contre, avec l’ESP partiellement désactivé, cette berline délurée offre un agrément que je n’ai rencontré que trop rarement dans ce segment. L’attaque des courbes se fait avec précision et les ressources du V8 vous collent au siège à la relance, tout en vous gratifiant d’une légère dérive du popotin. Sensationnel ! En supprimant toute aide, sur circuit bien entendu, vous pourrez aussi exercer vos compétences de dompteur de fauves ; car avec un couple et une puissance pareils, les longues glissades en courbe, tout comme les burns au démarrage, sont d’une simplicité enfantine. Pensez également à bien budgéter le poste « pneumatiques » car à force de vous amuser vous ne tarderez point de faire ami-ami avec votre marchand de gommards. Pour son plus grand plaisir…
En définitive, nous n’avons pas là une pistarde ne demandant qu’à faire cavaler ses 510 CV. Comme le félin qu’elle porte en emblème, la Jaguar XFR conjugue deux caractères : d’un côté, celui de se faire douce pour vous mener à bon port dans un paisible ronron et de l’autre cette capacité à arpenter l’asphalte toutes griffes dehors pour vous donner le grand frisson. Là où les Audi S6, Mercedes E63 AMG et BMW M5 mettent en avant leur sportivité et leurs excellentes prestations dans une présentation et un agrément trop parfaits voire aseptisés, cette Jaguar vous offrira son raffinement traditionnel et so british sous lequel bat un cœur de feu qui ne demande qu’à être attisé puis maîtrisé.
Prix et principales options en CHF
Prix de base | 130’100.- |
Tempomat avec radar | 2’020.- |
Audio Bowers & Wilkins | 2’200.- |
Tuner TV | 1’280.- |
Radar de recul avec camera | 1’150.- |
Toit ouvrant électrique | 1’900.- |
Cuir Ivory | 1’540.- |
Système de navigation + Jaguarvoice | 3’130.- |
Store électrique pour vitre arrière | 600.- |
Face à la concurrence
Jaguar XFR | Audi S6 (berline) | BMW M5 (berline) | Mercedes E63 AMG | |
Moteur | V8, 5000 cm3, compresseur | V10, 5204 cm3 | V10, 4999 cm3 | V8, 6208 cm3 |
Transmission | Propulsion | Intégrale | Propulsion | Propulsion |
Boite de vitesses | 6, automatique | 6, automatique | 7, robotisée | 7, automatique |
RPP (kg/ch) | 3.72 | 4.56 | 3.66 | 3.50 |
Poids à vide (constr.) | 1896 kg (1891 kg) | (1985 kg) | (1855 kg) | (1840 kg) |
Puissance (ch/régime) | 510 / 6000 | 435 / 6800 | 507 / 7750 | 525 / 6800 |
Couple (Nm/régime) | 625 / 2500 | 540 / 3000 | 520 / 6100 | 630 / 5200 |
0-100 km/h | 4.9 sec. | 5.2 sec. | 4.7 sec. | 4.5 sec. |
Vitesse max. | 250 km/h | 250 km/h | 250 km/h | 250 km/h |
Conso. Mixte (constr.) | 13.7 (12.5) | (13.4) | (14.4) | (12.6) |
Longueur | 4.961 | 4.938 | 4.855 | 4.881 |
Largeur | 1.877 | 1.864 | 1.846 | 1.872 |
Hauteur | 1.460 | 1.442 | 1.469 | 1.485 |
Pneumatiques |
AV 255/35 Y20 |
265/65 R19 |
AV 255/40 ZR19 |
AV 255/40 R18 |
Prix de base (CHF) | 130’100.- | 130’650.- | 139’900.- | 162’199.- |
Prix de base (EUR) | 92’900.- | 92’800.- | 105’850.- | 124’000.- |
Nos chaleureux remerciements à Jaguar Land Rover Suisse pour le prêt du véhicule et Mr Pierre-Alain Pittet du garage Autobritt à Genève pour la logistique.
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