Prise de contact: Mercedes ML500 & E500 4matic

La berline classe E W211 confrontée au SUV ML W164. 

Même motorisation, même insigne, quasiment le même tarif, berline ou SUV, SUV ou berline ? Si la question est déjà largement réglée pour certains segments de marché (le cliché des mères de famille de la Gold Küste saute à l’esprit), elle se pose légitimement à tout acheteur de familiale de haut de gamme.

Le ML tout d’abord. Les lignes évoluent dans la continuité du premier modèle, plus élancées, mais un peu alourdies de profil par des passages d’ailes. Subjectivement, le résultat reste plus réussi que sur la nouvelle Classe S, affaire de goût. A l’intérieur, le style incorpore une foison d’accents couleur aluminium mat, dommage que ces pièces soient un peu « cheap » au toucher : ça sonne un peu creux, pas massif et cossu comme Audi ou Porsche savent le faire. Les platines de commande électrique de siège sont un exemple flagrant. La finition est de bonne qualité, mais à ce tarif, l’impression d’en avoir pour son argent ne domine pas. L’habitabilité est bonne tant à l’avant qu’à l’arrière et le coffre de forte capacité (551 L, jusqu’à 2050L avec la banquette rabattue), ceci restant à être mis en rapport avec les dimensions du ML. Nouveauté Mercedes, le sélecteur de boîte sous forme de petit commodo à droite du volant. Une excellente idée qui permet de manœuvrer du bout de l’index et de libérer de l’espace sur la console centrale sans recourir aux infâmes sélecteurs mécaniques de certaines américaines. Etonnant que personne n’y ait pensé avant.

Le nouveau ML500 est équipé d’une boîte automatique à 7 vitesses, avec commande de passage de rapports par des basculateurs situés sur chaque branche du volant. La subtilité réside dans le fait que ce sont des basculateurs (commande +/- de chaque côté), et non pas des palettes reprenant ce qui est devenu un standard industriel: chez Ferrari, Alfa Roméo, Aston Martin, BMW, Audi ou VW, on monte les rapports à droite, on les descend à gauche. Le système Mercedes est tellement peu intuitif que j’ai cherché longtemps et échoué à trouver comment passer en mode séquentiel. Echec regrettable car j’aurais préféré prendre le contrôle de cette boîte 7 qui, dans le contexte d’une conduite sportive sur routes sinueuses qui n’est pas représentatif de la vocation de l’auto, ne m’a guère séduit.

Avec 7 rapports, le microcontrôleur qui contrôle la boîte (à moins qu’ils ne soient plusieurs) a l’embarras du choix et ne s’en prive pas, au point où les lois de passages peuvent devenir hésitantes. « Kick down ? Oui ? Non ? Peut-être ? Euh … un instant ? Non, je reste sur le couple ? Hmm, un peu mince, je devrais rétrograder, c’est un saignant ». La caricature est méchante, mais l’imperfection réelle. A de multiples occasions, en relance, la boîte a hésité, changé de rapport puis immédiatement rechangé de rapport. En conduite tranquille, il est difficile de trouver un avantage réel à des rapports de boîte si rapprochés, surtout lorsqu’on bénéficie de la large plage de régimes d’un V8 à essence. En conduite sportive, le résultat peine à convaincre.

Le comportement est très sous-vireur, une recette imparable pour éviter tout risque de perte de stabilité lié à centre de gravité haut perché. A allure raisonnable, la tenue de route est très correcte dans l’absolu, mais en poussant un tant soit peu, le train avant vous rappellera à la réalité des lois de la physique appliquées à une auto qui peut atteindre 2.8 tonnes à pleine charge et mesure 181cm de haut. Si on tient compte des caractéristiques du ML, le résultat est assez remarquable, difficile d’y déceler un écart flagrant avec un Porsche Cayenne S sans comparaison immédiate, si ce n’est peut-être une présence sonore du V8 un peu plus importante dans ce dernier.

Ce modèle d’essai était équipé de la suspension pneumatique qui permet de faire varier la hauteur de caisse et l’amortissement. Résultat : trop mou en mode normal, assez sec en mode sport.

La position de conduite permet de dominer le trafic mais donne une sensation un peu vertigineuse dans les descentes à forte déclivité, certainement une question d’habitude. La vue sur la circulation est dominante, au détriment de celle de ceux qui vous suivent.

Difficile de parler d’équipement d’origine, tout est à la carte et facturé au prix fort. Une opportunité pour dénoncer une hypocrisie généralisée dans le secteur automobile qui consiste à facturer en sus la peinture métallisée. En sus du prix de base (99’000 CHF), voici un extrait de la liste des options sur le modèle d’essai :

Système de navigation Comand APS 3800 CHF
Pack intérieur cuir 2790 CHF
Pack airmatic (suspension pneumatique) 2765 CHF
Phares bi-xenon 2370 CHF
Toit ouvrant électrique 1885 CHF
Keyless Go 1765 CHF
Peinture métallisée 1375 CHF
Système stéréo Harman Kardon 1170 CHF
Dispositif d’attelage 1170 CHF
Parktronic 1160 CHF
Climatisation automatique 1040 CHF
Siège conducteur électrique à mémoire 1030 CHF

En rajoutant les babioles à moins de 1000 CHF chacune, on arrive à la somme rondelette de 129’370 CHF pour ce véhicule d’essai, bien équipé, mais sans extravagance.

Après cette courte escapade dans le ML500, sautons dans une E500 4-matic pour évaluer la différence.

Contact et … sourire : l’affichage multifonctions au centre du tachymètre vous fait part de ses états d’âmes du moment, un rappel de la réputation peu élogieuse des logiciels embarqués des Mercedes contemporaines.

On pardonnera volontiers ce petit couac sur une voiture neuve dont la batterie pourrait effectivement être un peu déchargée, d’autant plus que l’avertissement disparaît assez vite au profit de ceci:

Voilà qui est rassurant, ça doit être suffisamment exceptionnel pour être claironné ainsi. C’est un peu comme si le système d’exploitation de Microsoft affichait « pas d’écran bleu pour l’instant ». Trêve de sarcasmes, allons à l’essentiel, car le contraste avec le ML est flagrant : la direction est plus tarée, la position plus naturelle, mouvements de caisse mieux contenus avec un amortissement pourtant moins sec. En plus ça pousse : le ronflement caractéristique du V8 est plus présent et les rapports plus longs de la boîte 5 (la boîte 7 est livrée de série sur les E500 propulsion) donnent une sensation d’allonge réjouissante.

L’esthétique est peut-être discrète, classique et élégante, difficile de faire la différence avec une E 220 CDi, mais le V8 a du coffre et la deuxième loi de Newton se vérifie sans difficulté: même force, moins de masse, donc plus d’accélération. La motricité est irréprochable, même en cas de provocation sournoise, et le comportement beaucoup plus équilibré que sur le ML. Certes, la monte pneumatique (hivernale dans notre cas) limite un peu le grip, mais il est possible d’opter pour du 245/40/18 (2680 CHF tout de même), pas plus large mais certainement plus rigide en appui.

La boîte 5 n’est pas non plus au-dessus de toute critique en conduite sportive, mais reste plus prévisible dans ses réactions que son homologue à 7 vitesses. A noter que la sélection manuelle se fait ici par des mouvements latéraux du levier conventionnel situé sur la console centrale.

Un autre petit bémol, la pédale de frein est spongieuse, probablement un effet du système SBC « brake by wire » qui élimine toute liaison hydraulique entre votre pied droit (ou gauche si vous êtes d’humeur) et les pinces de frein. A noter que le modèle d’essai, neuf et probablement pas préparé pour une éventuelle livraison, émettait un bruit bizarre à l’arrière à chaque application des freins. A l’intérieur, la finition est classe, plus sobre que dans le ML mais aussi subjectivement plus réussie, tant par le style que par la qualité des matériaux.

Au final, nous nous retrouvons avec deux Mercedes offrant la même motorisation, la polyvalence et sécurité active d’une transmission à 4 roues motrices à un tarif de base voisin (à peine 2% de différence). Plus de place dans le ML ? A peine. Quelques millimètres en garde au toit, 17mm en longueur aux places arrière, la seule vraie différence est de 10 centimètres en largeur aux places arrière, mais il faudrait transporter 3 adultes pour que cela change quelque chose.

Tournons-nous vers le coffre et, selon les chiffres de Mercedes, la classe E limousine régate avec le ML, et si la limousine ne suffisait pas, le break résout le problème. Plus d’aptitudes pour crapahuter jusqu’au mazot ? La garde au sol et les capacités de franchissement sont certainement meilleures, mais la monte pneumatique routière n’en feront pas un Pinzgauer pour autant.

Aspects pratiques ? Difficile de ne pas se salir la jambe du pantalon en grimpant dans le ML, seuil de coffre de 18cm plus haut que le break classe E, il faudra lever les cabas de commissions plus haut. Sécurité ? Il n’y a que nous très estimés cousins d’outre-atlantique qui croient encore que les SUV protègent mieux en cas d’accident.

Non, la seule raison compréhensible de choisir un ML par rapport à une classe E reste une position de conduite qui offre une indéniable meilleure visibilité sur le trafic devant soi. A chacun de déterminer si le sacrifice – réel – à consentir pour se trouver ainsi perché en vaut la peine.

Mercedes ML500 Mercedes E500 4-matic
Moteur V8 essence, 4966 cm3
Puissance 306 ch à 5600 t/min
Couple 460 Nm de 2700 à 4250 t/min
Pneus 255/55/18 245/45/17
Réservoir 95 litres 80 litres
Poids à vide CE 2175 kg 1805 kg (limousine)
1945 kg (break)
Consommation normalisée CE 13.1 L/100km 11.9 L/100km (limousine)
12.3 L/100km (break)
Prix de base 99000 CHF 97400 CHF

L’essai de la Mercedes E500 4-matic donne  furieusement envie d’explorer le côté obscur de la classe E, la E55 AMG qui vous propulse dans une autre dimension avec ses 476ch et 700Nm. Autre dimension tarifaire aussi avec un prix de base de 142’900 CHF. Une comparaison avec la Maserati Quattroporte et la BMW M5 V10 relèverait d’un pur acte de déontologie journalistique.

Remerciements au Garage de l’Etoile SA pour le prêt des voitures et à M. Schneebeli pour son accueil sympathique.

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