Essai Rolls Royce Phantom: luxe, calme et volupté

Symbole de l’excellence automobile: la Rolls Royce Phantom à l’essai. 

En cette veille de Noël 1904, voilà le slogan qu’avait choisi Henry Royce pour affirmer au monde l’ambition de la marque qu’il venait de créer avec Charles Rolls.

En 2004, pile cent ans plus tard, après une histoire tumultueuse qui aura vu le destin de Rolls Royce se lier étroitement à celui de Bentley durant près de quarante ans avant de passer sous le giron BMW en 1998, le « Spirit of Ecstasy » nous présente sa dernière interprétation de la fabuleuse Phantom.
Limousine d’apparat par excellence, la Phantom sixième du nom disparut du catalogue Rolls Royce en 1991, mettant un terme à soixante-six ans de bons et loyaux services sous diverses robes auprès notamment des têtes couronnées de ce monde. Qu’y aurait-il eu de mieux que ressusciter cette lignée prestigieuse pour signer le premier modèle né sous l’égide de Munich ? Grâce à la confiance du garage Keller Motorcars de Genève, nous sommes en mesure de vous livrer nos impressions après deux jours dans un monde à nul autre pareil.

Majestueuse. Voilà le qualificatif qui décrit le mieux cette Lady aux dimensions hors-normes. Ses mensurations ? 584-199-163 cm (longueur-largeur-hauteur). Les Aston Martin parquées à ses côtés semblent être des skate-boards roturiers. Elle s’habille d’une robe « Diamond Black » au noir profond souligné d’une double « coachline » ivoire peinte à la main sur les flancs.

Les immuables caractéristiques stylistiques faisant partie du patrimoine Rolls Royce sont présents : face avant massive avec sa calandre inspirée du fronton d’un temple grec surmontée bien entendu de sa « Flying Lady », long capot, portes arrière antagonistes, lignes de toit et de coffre fuyantes et enfin le montant arrière ultra épais. Notez également que le ratio « Wheel-to-height » de 2:1 est également préservé, de même que le court porte-à-faux avant et son pendant arrière beaucoup plus long.

 

Certes, on est loin d’une sylphide italienne aux galbes charmeurs. Mais sous un dessin on ne peut plus classique qui laissera dans son sillage le souvenir d’un profil massif et géométrique, la Phantom recèle plusieurs joyaux d’ingénierie. En premier lieu, le châssis est une structure entièrement en aluminium réalisée à partir de près de 200 segments extrudés et soudés entre eux. Les panneaux de carrosserie en aluminium et matériaux composites sont simplement fixés à la structure du châssis. Ce choix technologique permet de contenir le poids de l’ensemble, aux alentours de 2’550 kg selon le constructeur. Seul le coffre, par souci d’équilibre des masses avant/arrière, est réalisé en acier.

Mais c’est de l’intérieur qu’une Rolls Royce s’apprécie, ou plutôt se savoure. A peine le pied gauche s’est-il enfoncé dans l’épaisse moquette en laine d’agneau que ma vision du luxe et du raffinement est chamboulée. Point de « bling-bling », tout est net et contemporain. C’est une ode à l’espace et au cocooning. Chaque détail de l’habitacle participe à la création d’une atmosphère intimiste, hors du temps, où les boiseries marquetées, verreries, commandes chromées et tentures de cuir apparaissent comme des œuvres d’art. Le poste de conduite participe lui aussi à cet esprit minimaliste : énorme volant à jante très fine, trois cadrans pour les informations vitales du carrosse, une horloge centrale et un petit sélectionneur de vitesse sur la colonne de direction. Nestor n’aura ainsi qu’à se concentrer sur la route pour vous mener à bon port.

  

Même si le confort proverbial de la « banquette » n’a plus rien à prouver, l’heureux futur propriétaire peut opter en option pour deux sièges à réglages individuels, séparés par un minibar ou d’autres équipements selon ses lubies. En outre, associé au silence de cathédrale régnant à l’intérieur même à des vitesses élevées, le système audio à quinze haut-parleurs et multiples caissons de basses disséminés dans l’habitacle n’aura rien à envier à votre ensemble de salon. Pour l’anecdote, lors de notre essai se déroulait l’US Open de tennis. Je me suis donc dûment arrêté sur une aire d’autoroute, pris place à l’arrière, allumé « la télé » et le rendu était tel que j’avais l’impression d’avoir mon siège au milieu du Arthur Ashe Stadium de Flushing Meadows. Come on Roger !

En fait, toute la technologie qui se doit de figurer à bord d’une voiture d’aujourd’hui – et surtout de ce gabarit – a simplement trouvé place derrière l’agencement intérieur. Tirez sur le bouton-poussoir près de l’horloge et celle-ci cherra dans le tableau de bord, laissant place à l’écran du système multimédia. L’i-drive sortira de sa cache dans l’accoudoir avant afin de choisir la fonction que vous souhaitez parmi les réglages de la sono, les paramètres dynamiques du véhicule, le GPS, etc. Un coup de téléphone à passer ? Appuyez sur le loquet du couvercle de l’accoudoir et le téléphone apparaîtra.

L’accès à ce salon roulant se fait au moyen de portes « suicide » – pour plus d’élégance à la descente du véhicule – et dont la fermeture peut être commandée de l’intérieur par le passager au moyen d’un bouton dédié. En outre, afin de ne point être dépourvu lorsque la pluie s’invite à votre arrivée à destination, un parapluie se cache dans le flanc de chacune des portières.
Dernier détail « british » comme il se doit, l’assise des sièges arrière est surélevée de 18 millimètres par rapport à ceux de devant, simplement pour que les passagers arrière ne perdent pas de vue la fameuse « Flying Lady » juchée sur la proue. So lovely, Darling.

A l’arrière, sous les sièges et un panneau de moquette se cachent les chargeurs CD et DVD. Dans leur accoudoir, Madame et Monsieur trouveront les commandes leur permettant de zapper le programme TV qu’ils visionnent sur les écrans 12 pouces dissimulés dans les tablettes aviation au dos des sièges avant. Au plafond, ils trouveront les interrupteurs de l’éclairage d’ambiance ainsi que les commandes des rideaux de la lunette arrière et des fenêtres latérales pour plus d’intimité.

Sous le long capot se cache le second joyau de la couronne. Un V12 atmosphérique maison de 6.75 litres de cylindrée et monté entièrement à la main. Développant la bagatelle de 460 CV à 5’350 t/min et un couple maximum de 720 Nm à 3’350 t/min dont le 77% est disponible dès 1’000 t/min, notre croiseur est catapulté à 100 km/h en moins de six secondes. Ce moteur se distingue aussi par son silence de fonctionnement, inaudible de l’intérieur, au ralenti comme à pleine charge. A ce propos, coquetterie oblige, la Rolls Royce Phantom ne dispose pas d’un compte-tours conventionnel indiquant les révolutions du moteur, mais d’un indicateur de réserve de puissance en pourcents. Ainsi, j’ai appris qu’à vitesse stabilisée à 120 km/h en 6e, le moteur dispose de plus de 90% de sa puissance en réserve, si besoin …

Le propulseur est accouplé à une boîte automatique à convertisseur à 6 vitesses, parangon de douceur tant les changements de rapports sont imperceptibles. Les accélérations sont fluides, onctueuses, et s’exécutent dans un confort princier ; tenue de cap sans reproche et très léger tangage de la caisse au transfert des 720 Nm sur le bitume. Sur les quelques centaines de kilomètres couverts, la moyenne de consommation s’élève tout de même à 21.6 litres/100 km. Chiffre qu’il faut toutefois relativiser en regard aux performances et gabarit de notre Lady.

Comme ne le laisse point présager mon descriptif de l’habitacle, la Rolls Royce Phantom est également une voiture qui se conduit. Si la crise, Bernie Madoff ou les frères Lehman vous ont dépouillé(e), je vous suggérerais de « réorienter la carrière » de votre chauffeur plutôt que de vous séparer de votre carrosse… Alors que les précédentes versions de la Phantom étaient réputées pour leur tenue de route aléatoire une fois les parades royales terminées, la version actuelle fait montre d’excellentes aptitudes en la matière compte tenu de son gabarit et son poids.

Une fois installé dans le cockpit, les innombrables réglages électriques du siège… pardon, du fauteuil vous permettent de trouver la position de conduite idéale. S’offre alors à vous la vision certainement la plus inspirante de toute la production automobile : un long capot reflétant le ciel, flanqué en son extrémité de la fameuse statuette fendant le vent.

Il est temps de découvrir cette Rolls Royce sur la route. L’énorme volant à jante fine dans une main, avec l’autre j’appuie sur le starter et voici que je quitte Keller sur un filet de gaz. L’assistance de la direction est telle qu’à aucun moment je n’ai l’impression de manœuvrer un paquebot routier. Malgré ses dimensions intimidantes, la Phantom se laisse guider sans broncher dans la circulation urbaine sur un filet de gaz. Il faut dire qu’avec un habitacle aussi surélevé, la vision sur ce qui vous entoure est imprenable.

L’amortissement très souple, aidé par les pneus de large section, filtre parfaitement la moindre aspérité sur la chaussée. Même les gendarmes-couchés sont avalés en toute quiétude, leur franchissement se traduisant par un doux bercement dans ce cocon de cuir.

 

Si ce setup privilégie le confort, il s’avère pénalisant en conduite plus volontaire. Les mouvements de caisse de même que la prise de roulis sont importants et vos passagers arrière en seront quitte pour un accès de mal de mer. Bien entendu, une Rolls Royce n’a pas pour vocation d’arsouiller dans nos cols alpins, préférant de loin un rythme de sénateur pour profiter du paysage. Toutefois elle fait preuve d’une belle célérité en courbe, grâce à une direction ultra précise, communicative et incisive ainsi qu’une tenue de cap irréprochable. Les relances sont effectuées avec vigueur et à aucun moment le comportement général ne s’avère piégeur. Son freinage est un exemple d’endurance et d’efficacité, stoppant notre limousine en seulement 40 mètres à 100 km/h.
Son royaume est définitivement les longs rubans d’asphalte sur lesquels votre voyage au long cours sera un arrêt dans le temps, une pause voluptueuse où votre spleen sera chassé dans les effluves de votre vitole.

 

Place maintenant à quelques chiffres qui donnent le tournis : une Rolls Royce Phantom nécessite pas moins de 460 heures pour son montage (moteur et carrosserie exclus). La carrosserie à elle seule nécessite jusqu’à sept jours en atelier de peinture, dans la mesure où un total de cinq couches de peinture sont appliquées à chaque véhicule (sept couches en cas de commande bi-ton). Une fois le processus de peinture terminé, chaque véhicule est poli à la main durant cinq heures. Vous pouvez sélectionner la couleur de votre Phantom parmi quinze nuances standard, ou alors parmi 45’000 teintes dans le cadre du programme sur mesure. Les lignes de carrosserie (« coachline »), simples ou doubles, sont la touche finale à la construction de la voiture, juste avant sa sortie de la manufacture de Goodwood. Appliquées à la main sur une longueur de près de six mètres et parfaitement de niveau, leur réalisation nécessite pour chacune d’entre elles trois heures de travail.

Pour l’habitacle, quinze à dix-huit peaux de taureau au minimum sont utilisées. Les 450 morceaux individuels sont découpés à l’aide d’un laser de précision puis cousus à la main. Quarante-trois pièces de boiseries sont assemblées au raccord, en fonction des spécifications, et chacune d’entre elles peut compter jusqu’à vingt-huit couches séparées par des feuillets d’aluminium pour une optimisation de la résistance en cas d’impact. Notez également que le surplus de bois ayant servi à « votre » intérieur sera précieusement conservé si l’un ou l’autre des placages devait être reconstruit ultérieurement.

Les artisans de la marque sont en outre en mesure d’exécuter des marqueteries en argent ou en nacre. En fait, tout est possible sur une Rolls Royce, comme un humidor à cigares dans la boîte à gants, le « Spirit of Ecstasy » en or 24 carats, un coffre-fort dans la malle arrière, etc. La seule limite étant celle de votre imagination, ou celle de votre portefeuille et/ou de votre patience, sachant que chaque solution technique désirée dans le cadre du programme sur mesure fait l’objet d’une étude, mise au point et production pouvant s’étaler sur plusieurs semaines ou mois, afin que le résultat soit à la hauteur en termes d’intégration et fiable durant toute la durée de vie du véhicule. Tout ceci a un prix, bien entendu : à partir de EUR 345’700.- pour le modèle « de base ». En euros, oui, car le prix final en francs suisses n’est connu qu’au moment de la livraison, en fonction des diverses options et surtout du cours du jour entre l’euro et notre bon vieux franc… Notre modèle d’essai affiche un « price tag » intimidant d’à peu près EUR 490’000.-

En définitive, la Phantom est la gardienne de la philosophie Rolls Royce. La recherche de la perfection a guidé toute la mise au point et la réalisation de ce monument sur quatre roues, en mettant en oeuvre les technologies de pointe tout en s’inspirant du riche héritage de la marque. L’objectif est atteint : réaliser une Rolls Royce du 21e siècle, digne de son emblème mythique, incarnation d’une race d’automobiles supérieures que rien ni personne ne vient importuner pour des préoccupations ou considérations terre à terre. Quand je vous disais qu’à bord d’une Rolls Royce le temps s’arrête.

Prix et principales options en Euro

Prix de base 345’700.-
Peinture bi-ton 3’750.-
Sorties d’échappement visibles 5’050.-
Plafond arrière «Starlight » 6’675.-
Monogramme « RR » sur appuis-tête 525.-
Configuration « Theatre » (haut-parleurs, chargeur CD, écrans 12’’, etc.) 10’000.-
Tablettes aviation en bois 2’000.-
Chargeur 6 DVD 1’475.-
Rideaux arrière 4’650.-
Climatisation indépendante à l’arrière 3’550.-
Mini-bar dans les portes 14’400.-
Réfrigérateur arrière 4’850.-
Programme Bespoke (sur-mesure)
Couleur carrosserie hors-nuanciers (six mois de délai pour le développement) dès 8’500.-
Teinte de cuir hors-nuanciers (six mois de délai pour le développement) dès 9’400.-
Mur de séparation avant/arrière (disponible uniquement sur châssis long) 35’450.-
« Spirit of Ecstasy » illuminé 4’500.-
« Spirit of Ecstasy » en argent massif 3’540.-
« Spirit of Ecstasy » plaqué or 4’040.-
Glacière portable en cuir 3’000.-
Set de drapeaux pour cortèges officiels 3’030.-

 

Face à la concurrence

Rolls Royce
Phantom
Maybach
57
Moteur 12 cyl en V – 6750 cm3 12 cyl en V – 5513 cm3
Transmission Propulsion Propulsion
Boite de vitesses 6, automatique 5, automatique
RPP (kg/ch) 5.54 4.84
Poids à vide (constr.) (2550 kg) (2660 kg)
Puissance (ch/régime) 460 / 5350 550 / 5250
Couple (Nm/régime) 720 / 3500 900 / 2200
0-100 km/h 5.9 sec 5.2 sec
Vitesse max. 240 km/h 250 km/h
Conso. Mixte (constr.) 21.6 (15.8) (15.9)
Pneumatique AV 255/50 R 21
AR 285/48 R 21
275/50 R 19
Prix de base (CHF) 535’597.- 554’070.-
Prix de base (EUR) 345’700.- 366’934.-

Nos chaleureux remerciements à MM. Louis-Charles Bonvin et Thilo Martin du garage Keller Motorcars à Genève pour le prêt de cette Rolls Royce Phantom.

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