La Porsche Boxster: accessoire de garçon coiffeur ou roadster sportif ?
Roadster et garçon coiffeur. L’association entre cette honorable profession et certaines automobiles – de préférence des cabriolets de milieu de gamme – est rentrée dans le vocabulaire populaire, même si son origine reste nébuleuse. Après recherche, il semble qu’elle trouve ses racines dans un film de Jerzy Skolimowski, Le Départ, où un garçon coiffeur Bruxellois cherche une voiture pour participer à un rallye. Il finit par emprunter la Porsche de son patron, et se dégonfler au petit matin. Résumé sommaire d’un film primé au festival de Berlin en 1967. L’essentiel à retenir: le garçon coiffeur est belge et Porschiste.
L’image colle pourtant au Boxster (Boxer + Roadster = Boxster) comme un vieux chewing gum sous un siège de bus. C’est probablement ce que cache le sourire narquois du chef d’atelier Porsche lorsqu’il me confie les clefs de la voiture pour 48 heures : une Boxster 2.7 bénie d’une boîte tiptronic. Me voici promu garçon coiffeur. Ou toiletteur de caniche. Mes préjugés n’évoluent guère quand, à peine la voiture repérée, j’essuie le feu nourri de plaisanteries graveleuses de mes collègues. Plus tard, séance photo au bord de la baie de San Francisco, deux ados passent dans une Nissan à moitié démolie en braillant quelques injures liées à mon orientation sexuelle. Du vécu, coco, deux jours en Boxster font plus pour tester son sang froid et blinder son amour propre qu’un passage sur le plateau de Julien Lepers.
Les sarcasmes qu’attire le Boxster sont une énigme. La ligne est élégante, les optiques rappelant flatteusement celles de la sculpturale Carrera GT, les porte-à-faux équilibrés et les galbes des ailes avant et arrière donnent du caractère, quel que soit l’angle. Alors que la première génération (type 986) est restée esthétiquement pénible à mes yeux, la version 987 a trouvé sa voie propre sans renier tout de l’original. La « petite » Porsche fait quand même 4.33m de long, à peine neuf centimères de moins qu’une 997 Carrera. Le moteur central occupe l’espace alloué aux strapontins de la 911, l’empattement s’allonge de 65 millimètres, le porte-à-faux arrière diminue. Le 6 cylindres à plat de 2.7L est logé en position centrale arrière et bénéficie de la distribution Variocam Plus qui agit sur le calage et la levée des soupapes. La puissance spécifique de 90 chevaux au litre est très respectable et très légèrement plus élevée que celle du 3.4L équipant la Boxster S. Même constat pour le couple spécifique, supérieur à 100 Nm au litre, Porsche a sans nul doute soigné la motorisation de son entrée de gamme. Bilan : 245 chevaux à 6500 t/min et 273 Nm 1900 tours plus bas.
Autant liquider la boîte avant qu’elle ne plombe le reste de l’article, la boîte Tiptronic S 5 vitesses est à proscrire pour des raisons qui n’ont rien d’idéologique. L’étagement est catastrophique et la logique de passage des rapports parfois aberrante. Quelques rares et incompréhensibles sursauts de clairvoyance mis à part, la boîte sélectionne la deuxième pour démarrer en meulant à plus de 2000 tours puis s’empresse de passer la 3 en meulant encore plus. Avec une note d’échappement assez présente et pas forcément très flatteuse à ces régimes, le résultat vous métamorphose immédiatement en Gérard Lambert sur sa Motobécane, jouant la terreur des feux rouges entre Rungis et Créteil. Arrêté à un feu rouge à côté d’une Mercedes S55 AMG noire avec deux jeunes au volant, j’ai attendu avec philosophie l’inévitable: un démarrage anémique – et voulu comme tel – mais avec la bande son d’un blaireau qui se croit en pôle à Spa Francorchamps.
Au lieu des désormais traditionnelles palettes derrière le volant (même Mercedes s’y est mis sur sa nouvelle C63 AMG), Porsche incruste dans le volant des basculateurs peu ergonomiques sauf si vous avez des pouces aussi agiles que ceux de Marcel Marceau. Ils permettent de passer la boîte en mode manuel, tout comme un déplacement sur la gauche du levier de vitesse depuis la position D. Ca ne résout guère la maladresse au démarrage, la première étant excessivement courte, mais les rétrogradages sont assez réussis avec un semblant d’égalisation du régime. En conduite routière, les passages de rapports sont fluides mais relativement lents, la vénérable ZF de notre 540i fait mieux dans ce registre. L’indicateur du rapport sélectionné réagit instantanément, alors qu’il serait plus intuitif à l’usage d’indiquer le rapport lorsqu’il est effectivement engagé. Ajoutez une surcharge pondérale de 60 kilogrammes et financière de 4070 CHF, et la boîte manuelle 5 vitesses (le 6ème rapport n’est disponible que sur la Boxster S) s’impose comme une évidence.
Le mécanisme de capote est semi-automatique, un verrou manuel subsiste au centre du pare-brise. Les moteurs électriques prennent ensuite le relais, découvrant un habitacle conforme aux standards de la marque, avec des sièges qui manquent singulièrement de maintien latéral et une finition de bon niveau. Rien de renversant, ni les matériaux ni l’équipement ne se démarquent. Le boxer s’avère assez creux à bas régime, avec en plus une sonorité qui rappelle assez le bourdonnement d’un 4 en ligne, mais en le cravachant un peu, les harmoniques rappellent une Porsche 911 Carrera. En tirant tous le jus du 2.7, les performances sont honorables même si elles n’ont rien de renversant, et c’est là tout l’intérêt : c’est suffisant pour procurer des sensations, mais pas déraisonnable au point de risquer l’empalement ou la lapidation si on tire deux rapports. Les 245 Pferde Stärken se partagent chacun 5870 grammes d’acier, plastique, divers liquides et colloïdes (pilote inclus), ce qui place le rapport poids puissance en retrait par rapport aux plus virulents hot hatches, Mazda 3 MPS en tête. Les montées en régime ne sont pas trop linéaires, avec un crescendo perceptible au-dessus de 4500 tours, mais pour la chair de poule, voyez plutôt du côté de votre passagère.
Direction peu démultipliée (2.6 tours entre butées) et bien tarée, une monte pneumatique réaliste et des louches de plaisir à chaque enchaînement de virages. L’avant est accrocheur en prise d’appui, enfin une Porsche qui carve ! Ce n’est pas par le truchement d’une sophistication extrême, le Boxster se contente de rudimentaires jambes McPherson aux quatre coins, mais en l’occurrence la simplicité paie. Loin des vicissitudes d’une 911, la Boxster de conduit comme une moto de faible cylindrée, fast in fast out, en maintenant la vitesse la plus élevée possible en appui et réaccélérant dès le point de corde. L’arrière est mobile au lever de pied, largement de quoi se mettre aimablement en vrac si on le cherche, même si je doute que le couple soit suffisant pour maintenir une dérive sur le sec. J’ai bien essayé d’explorer ce registre sur une route déserte et poussiéreuse menant à une carrière, mais mon manque de talent et l’arrivée en sens inverse d’un semi-remorque avec un black hilare gesticulant à son volant ont fini par calmer mes ardeurs. N’est pas hardeur qui veut, ce n’est pas Rocco Siffredi qui me contredira.
Peu de remous perçus sur autoroute, le pare-vent (555 CHF en option) ne semble pas être indispensable pour éviter un torticolis immédiat. Cruiser à vitesse raisonnable sur boulevards ou route forestière procure beaucoup de plaisir, avec des réactions naturelles et progressives aux confins de l’enveloppe dynamique, entre grip latéral, accélérations et freinages. Les disques aciers de 298mm (299mm à l’arrière curieusement) s’acquittent très bien de leur tâche, difficile d’approcher leurs limites de résistance à l’échauffement sur route ouverte. Les freins carbone-céramiques ne sont pas disponibles sur la Boxster 2.7, mais à 12375 CHF l’option, c’est peu surprenant. Le réservoir de 64 litres devrait être suffisant pour offrir une bonne autonomie si la gloutonnerie du Boxster 2.7 s’apaise une fois le rodage terminé, la moyenne affichée (14L/100km) étant complètement hors sujet. Côté capacité de chargement, c’est quasiment le nirvana. Il n’y a pas un, mais deux coffres de respectivement 150 et 130L, l’un large, l’autre profond, soit plus du double de la capacité d’une 997 Carrera (135L), hormis l’habitacle.
La Boxster S offre 50 chevaux de plus pour un supplément de 14’000 CHF. Les roues passent à 18 pouces d’origine, mais la différence a de quoi faire réfléchir. Sous-estimer la Boxster 2.7 par à-priori élitiste serait une erreur, la motorisation en fait un très bon roadster sportif, homogène, jamais ennuyeux ou fade. Des limites exploitables, loin du potentiel ahurissant de certaines réalisations contemporaines, fascinantes sur circuit mais presque dénuées d’intérêt sur route ouverte. Un cocktail apte à séduire garçons coiffeurs et amateurs éclairés qui sauront faire le juste choix entre budget et prestations routières.
La Porsche Boxster Tiptronic S (valeurs en boîte manuelle entre parenthèses) face à la concurrence:
Porsche Boxster Tiptronic S | Porsche Boxster S | Nissan 350Z Roadster | Audi TT 3.2 Roadster S-Tronic | |
Moteur | B6-2687 cm3 | B6-3387 cm3 | V6-3500 cm3 | V6-3189 cm3 |
Boite de vitesse | BA-5 (BM-5) | BM–6 | BM–6 | DE**-6 |
Rapport Poids Puissance | 5.87 (5.63) | 4.84 | 5.41 | 6.26 |
Poids (à vide), CE* | 1440 kg (1380) | 1430 kg | 1696 kg | 1565 kg |
Puissance (ch / régime) | 245 / 6500 | 295 / 6250 | 313 / 6800 | 250 / 6300 |
Couple (Nm / régime) | 273 / 4600 | 340 / 4400 | 358 / 4800 | 320 / 2500 |
0 – 100 km/h | 7.0s (6.1) | 5.4s | 6.1s | 5.9s |
Vitesse max. | 251 km/h (258) | 272 km/h | 250 km/h | 250 km/h |
Consommation mixte | 10.1 L/100km (9.3) | 10.6 L/100km | 12.0 L/100km | 9.5 L/100km |
Pneumatiques | 205/55/17 235/50/17 |
235/40/18 265/40/18 |
225/45/18 245/45/18 |
245/45/17 |
Prix de base (CHF) | 72970 (68900) | 82900 | 53700 | 67540 |
* selon norme CE, avec plein et conducteur de 75kg ** Double-Embrayage
Prix des principales options et leur code
Changeur CD [692] | CHF 840 |
“BOSE” Sound System [680] | CHF 1’950 |
PCM incl. module prolongé de navigation [P23] | CHF 4’475 |
Sièges sport adaptatif [P01] | CHF 6’100 |
Régulateur de vitesse [454] | CHF 705 |
Paquet Sport Chrono [639] | CHF 1’175 |
Équipement en cuir [001] | CHF 4’250 |
Hardtop [550] | CHF 3’465 |
Saute-vent [551] | CHF 555 |
Sièges chauffants [342] | CHF 650 |
Climatisation automatique [573] | CHF 715 |
Jantes Boxster S 18 pouces [397] | CHF 1660 |
Jantes Carrera S 19 pouces [403] | CHF 4015 |
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