Essai Lotus Europa S


Europa S: une interprétation de ce qu’une Lotus plus confortable pourrait être. 

Avez-vous déjà croisé une Lotus Europa S sur la route ? Vous non plus ? La curiosité et la conscience professionnelle m’ont poussé à contacter le service presse à Hethel pour demander respectueusement aux Public Relations de la marque si leurs objectifs de ventes ont été atteints. L’absence de réponse est probablement à mettre au passif du statut modeste de cette aimable publication, mais le fond ne fait pas de doute: l’Europa S s’est mal vendue. Erreur de positionnement ? Mauvais produit ?

L’Europa S fut présentée au salon de Genève 2006 avec l’ambition d’élargir la clientèle de Lotus vers des amateurs de mini-GT à usage quotidien, voire longues distances. Lotus dépoussière pour l’occasion un patronyme déjà utilisé de 1966 à 1975 où 9300 Europa furent vendues. Si on conçoit la démarche marketing, la niche des pistards amateurs et promeneurs du week-end ayant déjà largement été exploitée par l’Elise et l’Exige, l’exécution s’est fait à moindre frais. On peut parler de simple badge engineering, et c’est du côté de l’Opel Speedster qu’il faut lorgner. MÊme empattement (2330mm, 30mm de plus que l’Elise), même motorisation Opel (ici le 2 litres turbo), des boucliers avant et arrière adaptés et un équipement standard élargi (vitres électriques et climatisation d’origine). La capacité; du coffre passe de 112 à 154 litres, ce qui reste chiche, sauf peut-être pour cuire tresse et croissants précuits le dimanche matin, le compartiment jouxtant le moteur. Côté style, je trouve l’arrière assez réussi, mais l’avant à;; des relents de Banglisme discutables. Les jantes sont magnifiques.

Dès l’ouverture de la porte, aucun doute possible: malgré; les contre-portes, le revêtement des sièges en cuir et les équipements du paquet super tourisme offert de sé;rie sur l’Europa S (airbags et porte-gobelets inclus), tout rappelle une Elise, y compris le gymkhana né;cessaire pour se glisser derrière le petit volant. Mon mètre quatre-vingt-deux fluet rend l’exercice un peu lassant, même si avec un peu d’habitude, certains automatismes évitent de donner un caractère outrageusement disgracieux à la manoeuvre. Toujours au département ergonomie, les ersatz de baquets sont un vrai supplice, le maintien latéral étant inexistant pour ma morphologie. Il me manque une bonne dizaine de kilos de rembourrage latéral pour avoir le tronc tenu. Seul remède, caler la cage thoracique à l’extérieur à l’approche de chaque courbe, ou de s’arc-bouter au petit volant. Fort heureusement, les commandes sont douces et précises, la commande de boîte facile et précise même si la tringlerie de renvoi est bruyante.

 

A froid, le moteur Opel est d’une rugosité; dont la marque semble avoir l’exclusivité;, on croirait presque entendre un diesel, mais avec quelques calories dans les durites, les fluides se fluidifient, les alliages se dilatent et l’ensemble prend de la rondeur. Une rondeur qui va être le fil conducteur de tout cet essai : en comparaison avec le Toyota VVT-i de l’Elise 111R, le 2 litres turbo offre un agré;ment en utilisation quotidienne sans commune mesure. Les chiffres ne traduisent pas toujours les sensations, mais en l’occurrence ils sont flagrants : 272 Nm à;; 5000 t/min pour « Adam Colin-Opel » contre 181 Nm à;; 6800 t/min pour « Kiichiro Chapman-Toyoda ». C’est près de 50% de couple en rab’ à un régime élevé pour un moteur suralimenté. Les motoristes de Lotus y ont mis leur grain de sel, obtenant un petit bonus par rapport à;; la version implanté;e dans l’Opel Speedster. A l’usage, il n’a cependant rien de pointu, tractant vigoureusement depuis bien moins de 2000 t/min. Le 4 cylindres turbocompressé offre des reprises franches qui se jouent du poids plume de l’auto, même si les puristes hurlent au scandale lorsqu’on évoque le quintal d’embonpoint de l’Europa S par rapport à ses cousines. L’addition reste juste sous la barre de la tonne, sur le papier du moins, avec une répartition avant arrière de 38%/62%.

Le sifflement du turbo est omniprésent à tous les régimes, un trait de caractère plutôt sympathique pour donner du peps à une note d’échappement quelconque. Contrepartie, le brio s’atténue au-delà de 5000 tours, le moteur affiche un faible kilométrage et n’est pas encore libéré, il est donc plus efficace de passer le rapport supérieur. Efficace ? Certainement. Agréable ? Résolument ! Enthousiasmant ? Modérément. Là où une Elise 111 R électrise puis fatigue, tant il est crucial de garder le bouilleur au-dessus de 6200 tours et de tirer chaque intermédiaire jusqu’à la zone rouge, l’Europa S permet d’enrouler et, à choix, d’apprécier le paysage ou de soigner son pilotage. Il est d’ailleurs fort possible que, malgré un léger handicap en rapport poids – puissance, l’Europa S se défende avec brio sur circuit, chrono en main. C’est officiel, le débat fratricide entre Lotus Elise et Opel Speedster est relancé !

Après le rituel photographique en compagnie d’une autre anglaise taille XXL, nous partons par vaux et monts pour explorer le comportement. Première courbe, léger levé de pied suite à une entrée un brin optimiste, l’arrière décroche légèrement à cause du transfert de poids vers l’avant. La prise de virage est franche, l’adhérence d’un très bon niveau même si la monte pneumatique à orientation routière (Bridgestone Potenza) ne donne pas la pleine mesure du potentiel du train roulant, l’anglaise chaussant des ballerines (175/55/17 AV, 225/45/17) plutôt que de grosses galoches. Dans les enchaînement de courbes, le comportement est réjouissant, même si l’avant a tendance à partir en luge si l’on sollicite trop le couple du 2 litres turbo en sortie de courbe, sensation similaire à une Porsche 911 Carrera. L’absence d’assistance de direction rend la conduite sur route sinueuse virile, tenir le petit volant en plein appui demandant un certain effort musculaire des épaules. Plus visible sur les photos que perceptible au volant, le roulis est significatif.

Contre-partie, vos paumes sont en contact direct avec l’asphalte, sa texture, l’adhérence sous les roues avant, alors que votre postérieur établit une relation télépathique avec le train arrière. Retour aux sources, cette Europa S – comme le reste de la gamme Lotus – est une démonstration flagrante de la stérilisation des voitures modernes, ces graciles sculptures de fibre autour d’une barquette en aluminium oeuvrant comme de véritables caissons sensoriels. Le séant à quelques centimètres du sol, la tactilité des commandes, une pédale de frein ferme (mais avec un ABS qui veille au grain), rouler à allure modérée n’a rien de la rêverie ouatée d’un coupé « sportif » germanique. Un remède vigoureux si votre vie automobile a depuis trop longtemps été lobotomisée par la poursuite du confort jusqu’à l’absurde (toujours plus de puissance, toujours moins de sensations), mais trop radical pour être raisonnablement consommé au quotidien. Bon point cependant pour la démultiplication assez longue sur trajets autoroutiers, 3700 t/min à 150 km/h indiqués.

  

La Lotus Europa S est une Opel Speedster Turbo relookée et ré-équipée, ce qui n’en fait pas un mauvais produit, loin de là. Si la motorisation convient nettement mieux à un usage routier que celle, exagérément pointue, de l’Elise 111R, la différence de tarif (7000 CHF) et l’impossibilité de retirer le toit pour profiter du soleil en font un produit de nano-niche. Dommage car, à un tarif plus attractif, l’Europa S aurait, grâce à l’agrément de son moteur, sa carte à jouer entre une Elise 111S et une 111R. Viser une clientèle orientée GT tenait de la gageure, l’habitabilité, le confort spartiate et la finition rendant difficile une utilisation quotidienne ou au long cours. Pari perdu pour Lotus, mais il reste certainement quelques bonnes affaires avec les voitures en inventaire dans le réseau.

Face à la concurrence

Lotus Europa S Lotus Elise 111 R Porsche Boxster
Moteur : type/cylindrée L4 – 1998 Turbo L4 – 1798 B6 – 2687
Poids Kg (DIN, constructeur) 995 860 1305
Rapport Poids Puissance 4.98 4.48 5.32
Puissance (ch / régime) 200 / 5400 192 / 7800 245 / 6500
Couple (Nm / régime) 272 / 5000 181 / 6800 273 / 4600
0-100 km/ h (constr.) 5.8s 5.2s 6.1s
Vitesse max (constr.) 230 km/h 241 km/h 258 km/h
Conso mesurée (constr.) 12.72 (9.3) (8.8) (9.3)
Coffre (L) 154 112 280
Pneumtiques AV 175/55/17 175/55/16 205/55/17
Pneumatiques AR 225/45/17 225/45/17 235/50/17
Longueur 3900 3785 4329
Largeur 1850 1850 1801
Hauteur 1120 1117 1292
Prix (CHF) 72100 CHF 65100 CHF 68900 CHF

Remerciements à M. Vallat du Garage Milliet (agence Lotus Saab) à Lausanne-Crissier pour le prêt de cette belle Europa S.

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