Essai Corvette C6, un coupé GT américain au parfum d’off-shore.
Sur le papier (glacé) du catalogue Corvette, le cocktail a de quoi séduire. De la puissance, du couple, un poids contenu et un prix attractif pour un coupé avec toit amovible (celui se range dans le coffre, par ailleurs spacieux, aucun problème pour y mettre à plat 2 grandes valises ou les inévitables sacs de golf). La bonne affaire du moment ?
La Corvette C6 est la sixième génération d’un modèle né en 1953 (C1), soit une bonne décennie avant le lancement de laPorsche 911. A chacun ses traditions, ici la recette est un V8 culbuté en position centrale avant et une carrosserie en polymère. La C2 donna une orientation plus sportive avec sa glace arrière en deux parties. La C3 sera maintenue au catalogue presque 20 ans, avec la période « muscle cars » (le moteur L88 de 427cu, puis même un 454cu en 1970) puis les chocs pétroliers des années 1970 (1973, guerre du Kippour; 1979, révolution iranienne) qui enverront les prix à la pompe à des sommets, et les motorisations des Corvettes dans les limbes de l’ennui. La C4 prendra le relais en 1984, disponible depuis 1990 en version ZR1 de 405ch. La C5 suivra en 1997 avec le moteur LT1 développant 350ch. General Motors s’est ainsi offert le luxe (ou l’erreur) de cycles de produits extrêmement longs. Malgré cela, le succès commercial, aux Etats-Unis, n’a jamais été démenti.
Le style Corvette a significativement évolué depuis la version C5. Porte-à-faux contenus, lignes plus incisives, la voiture a gagné en caractère et parait plus courte, plus contenue. Les jantes à arêtes vives et la découpe dans le flanc des portes sont assez réussies.
A l’intérieur, des progrès mais pas de miracles. Le cuir est de bonne qualité mais les plastiques de la planche de bord et de la console centrale sont de facture très moyenne, il doit être possible de faire mieux sans nécessairement augmenter les coûts.
L’équipement sur cet exemplaire doté du « Luxury pack » est pléthorique, avec une kyrielle de fonctions disponibles sur l’ordinateur de bord et le très utile heads-up display (affichage à tête haute) qui affiche vitesse, régime ou même indications de navigation dans le champ de vision. Détail ergonomique un peu irritant les branches « tombantes » du volant mettent le commodo de clignotant quasiment hors de portée. Même avec le Luxury Pack, le volant n’est réglable qu’en profondeur, mais la position de conduite est néanmoins satisfaisante.
Autre curiosité, les poignées d’ouverture de porte ont disparu, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, pour être remplacés par des boutons : panne électrique ou batterie défectueuse à éviter à tout prix. Autre curiosité, un dong dong dong très américain sonne moteur arrêté tant que la marche arrière n’est pas engagée.
La sixième est longue comme un hiver finlandais : à 120 km/h le moteur ronronne à 1700 t/min, ce qui nous donnerait une vitesse de pointe théorique de 458 km/h à la limite de la zone rouge (la fiche constructeur annonce 300 tout rond). Surmultipliée de toute évidence pour faire baisser la consommation sur long trajet, il ne faudra pas s’attendre à des reprises foudroyantes à si bas régime avec une démultiplication pareille.
Pas de crainte à avoir cependant, le couple et la puissance sont bien présents. Sur les intermédiaires, le V8 émet le broaaaaaaaa d’off-shore typique des V8 du nouveau continent, tractant dès les bas régimes jusqu’à la zone rouge. Le couple est largement suffisant pour mettre à mal la motricité des gommes arrières (pourtant généreusement dimensionnées). Sur le sec, les sorties d’épingle deviennent vite ludiques, une simple provocation du pied droit suffit à provoquer une légère dérive; la maintenir est une autre affaire, même en déconnectant l’antipatinage couplé au contrôle de trajectoire. Il y a là tous les ingrédients de base pour aller jouer au driftmeister, sur circuit de préférence !
La boîte 6 est précise et rapide mais relativement ferme (rien à voir avec un V12 italien cependant), et les débattements un peu trop longs. L’embrayage semble manquer un peu de progressivité, à moins que ce soit une caractéristique voulue pour rendre les burn-outs plus faciles ? Toujours au chapitre pédalier, le freinage est mordant sur le début de la course, mais les plus exigeants regretteront un toucher un peu spongieux.
Le comportement routier est sportif et très sain, bien aidé par une répartition des masses de 51% sur l’avant et 49% sur l’arrière. Amortissement ferme, direction précise et directe, la voiture a un peu tendance à suivre les inégalités sur chaussée déformée, comme beaucoup de sportives chaussant large. Un train avant accrocheur aide à entrer avec confiance dans les virages, le grip en appui est très bon; on sent cependant l’arrière s’asseoir un peu sous l’arrivée du couple en sortie de virage, sans que les changements d’assiette ne deviennent caricaturaux. La prise de roulis est contenue, l’inertie aux changements d’appui faible et l’équilibre sécurisant au lever de pied.
La C6 pousse fort, tient la route, freine bien et ne consomme nettement moins qu’on ne pourrait le craindre ! Le registre est étonnamment large entre la balade les cheveux au vent (toit amovible), les longs voyages, suffisamment de précision pour rouler vite proprement, et des dispositions certaines à jouer les hooligans du bitume selon l’humeur (et si les conditions le permettent). Les aspects pratiques rendent l’utilisation au quotidien parfaitement réaliste, malgré une visibilité arrière réduite pour les manoeuvres.
Côté budget, les services se font à intervalles de 15’000 km et, en dehors des frais fixes (RC, taxes) inhérents à la cylindrée, le budget pneu pourrait être un poste à surveiller selon la sensibilité de votre pied droit.
Personnalité, prestations de très bon niveau, les enjeux sont à chercher ailleurs. L’image et le prestige du badge ? Un intérieur qui ne flatte ni la rétine ni le toucher ? Peut-être, mais à ce tarif, la concurrence allemande ou italienne parait bien chère.
Si d’aventure les 400ch de la C06 devaient vous laisser sur votre faim, les premières livraisons de la Z06 (coupé à toit non amovible équipé d’un 7 litres de 500ch) auront lieu en Novembre à un tarif de 107950 CHF, avec pour seules options la peinture métallisé et le système de navigation. La différence tarifaire est conséquente, le niveau de performances devrait l’être aussi (certains n’ont pas hésité à faire la comparaison avec la Ford GT !).
Données techniques:
Moteur V8 5967cm3, 16 soupapes
Puissance : 404ch à 6000 t/min
Couple : 546 Nm à 4400 t/min
Pneus : 245/40/18 AV, 285/35/19 AR
Poids à vide CE : 1508kg
Consommation en conduite sportive : 15.1L/100km (ordinateur de bord)
Consommation en cycle mixte normalisé CE: 13.0L/100km/h
Remerciements à M. Joseph Zen, chef de vente Cadillac & Corvette chezTip Top Auto Léman pour le prêt de cette C6. A signaler: une C5 neuve bradée moins de 70’000CHF.
Galerie de photos – Corvette C6
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