Acheter une voiture en Californie


Si vos pérégrinations vous amènent à séjourner aux Etats-Unis pour une période prolongée, et que la perspective de rouler plusieurs mois dans une voiture de location vous navre ? L’achat d’une auto peut représenter une alternative attractive … si on sait à quoi s’attendre. 

 

Deux moyens de locomotion disponibles aux USA: un est à acheter, l’autre à louer.

N’espérez pas économiser de l’argent dans l’opération: une agence périphérique d’Avis ou Budget vous louera une Chevrolet Malibu ou une Pontiac Grand Prix pour moins de 600 US$ par mois hors assurance, des tarifs bien loin de ceux payés auprès des mêmes enseignes dans les agences d’aéroport. Il est mathématiquement impossible d’économiser de l’argent avec un achat : la taxe d’achat (« sales tax ») est payable sur les voitures d’occasion et se monte grosso modo à 10% du prix d’achat du véhicule. Il est certes théoriquement possible de tricher sur la valeur déclarée d’achat, mais un montant nettement inférieur aux fameux blue book a de bonnes chances de faire sourciller un employé zélé de votre DMV (Department of Motor Vehicles) local. En plus, la tentative de magouille n’est possible qu’en achetant à un particulier.

Les 10% en question ne sont pas inclus dans les prix de vente affichés et dus à l’achat (vendeur officiel) ou à l’enregistrement de la voiture au DMV (particulier), tenez en compte dans votre budget. Ces considérations vulgairement pécuniaires restent cependant la partie la plus facile, et presque la plus agréable.

Condition sine qua non d’un achat, être assuré. A la différence du système suisse ou la voiture est assurée indépendamment de son conducteur, une voiture est assurée nominalement aux Etats-Unis. S’il est possible d’avoir plusieurs conducteurs assurés pour une voiture, ils doivent l’être nominalement dans la police, et les primes fluctueront en fonction de leur pédigrée. Votre assurance personnelle prendra également en charge les dégâts que vous feriez en empruntant la voiture d’un tiers, dans les limites de la couverture.

Condition quasi sine qua non pour être assuré : avoir un permis de conduire américain, de l’état dans lequel vous résidez de préférence. Votre permis étranger est légalement admis pendant une année, mais la plupart des compagnies (j’ai testé State Farm pour vous) refuseront tout net de vous couvrir sur la base de votre permis national. Geico accepte de conclure un contrat si vous vous engagez à passer le permis sous 30 jours, et à des tarifs 30% supérieurs à la concurrence.

Pour obtenir le précieux sésame, pas de sauf conduit, vous partez quasiment de zéro: aucune équivalence n’étant reconnue, vous devrez passer les examens théoriques et pratiques pour démontrer vos aptitudes à vous mêler aux sauvages qui pullulent sur les freeways. Paradoxe, votre permis national vous donnera malgré tout le droit de conduire seul avec votre permis provisoire.

Première étape: prendre rendez-vous sur le site internet du DMV local. S’il est possible de se pointer à l’improviste, la queue risque de vous le faire regretter. L’opération vous donne juste le droit d’attendre … moins.

Deuxième étape: potasser un minimum le California Driver Handbook. Ce document, l’équivalent du manuel de la LCR Suisse, a la particularité d’être préfacé par Arnold Schwarzenegger, Gouverneur de l’Etat de Californie, jusqu’en Novembre 2006 du moins. Le PDF fait une petite centaine de pages, mais passer une heure à le lire en diagonale est un bon investissement. Le site du DMV propose une brochette de quiz qui aident à se rôder à certaines questions, probablement un meilleur investissement de votre temps que de potasser la bible d’Arnold (ci-contre).

Troisième étape: le rendez-vous. Si vous êtes éligibles pour un Social Security Number (SCN), prenez votre carte. A défaut, le visa dans votre passeport donnera preuve de votre existence légal sur la terre des pères fondateurs (un permis de conduire n’est pas une raison suffisante pour obtenir un SCN, inutile d’y perdre votre temps). Votre permis de conduire national sera considéré avec la même bienveillance que votre carte de membre du Club des Amis de la Rillette de Zébu (carz). L’inscription « Licenza di condurre » sur mon bleu y donna soudainement une certaine légitimité, la ressemblance avec l’espagnol, bientôt deuxième langue nationale aux Etats-Unis. Preuve que le canton de Zürich Rhodes Extérieurs (jadis appelé Tessin) et sa deuxième langue (l’italien) peuvent être d’un précieux secours dans les républiques bananières nord ou sud-américaines. Vous serez ensuite délesté de 25$ cash puis passerez un test de la vue express. Rien de très compliqué, il s’agit de lire avec chaque œil 4 ou 5 lettres suspendues sur un panneau derrière la préposée. Difficile de se louper à moins d’être analphabète ou myope comme une taupe. Changement de guichet pour prendre votre photo (ils s’en chargent, inutile d’en amener une) et vous donner votre fiche d’examen théorique.

Quatrième étape: la solitude de l’isoloir. Trente-six questions, vous avez droit à 6 erreurs. Certaines seront familières (les quiz du site internet), d’autres sont une pure question de bon sens. Restera l’inévitable brochette de questions exotiques qui vous plongera dans des abymes de perplexitude, voire de doute métaphysique. Un exemple, en traduction littérale : « Vous conduisez sur une rue à sens unique. Vous pouvez tourner à gauche sur une autre rue à sens unique :

A) seulement si un signe permet la manœuvre
B) si le trafic sur la rue se déplace vers la droite
C) si le trafic sur la rue se déplace vers la gauche

Avouez qu’il y a de quoi ébranler les esprits cartésiens les plus résolus. Ma réponse fut A, la vérité Schwarzeneggerienne est C. Malgré mes deux autres erreurs, je fus gratifié d’un « welcome to California, sir » rayonnant. L’opération débouche sur l’obtention d’un permis provisoire, un bout de papier qui permet de conduire seul mais valable seulement 3 mois. Le numéro qui vous est attribué est définitif mais il est inutile de vous ruer chez votre assureur pour autant, la date d’obtention du permis est nécessaire: les permis sont valables pour 5 ans, il est donc commun qu’on vous demande la date du dernier renouvellement de votre autorisation d’essuvéiser.

Cinquième étape: prendre rendez-vous pour l’examen de conduite. Le rendez-vous doit être pris par téléphone, et n’est en fait qu’un droit à faire la queue, qui peut d’ailleurs être considérable. Arrivez résolument en avance, avec votre permis de conduire, votre preuve d’assurance et votre carte grise (« proof of registration ») si vous en avez une. Difficile de prédire ce qui se passe si vous utilisez une voiture de location qui ne sera pas à votre nom et n’aura pas de preuve d’assurance, mais un blocage administratif n’est pas exclu. Renseignez-vous.

Pendant que vous faîtes la queue dans votre voiture en la déplaçant de 5 mètres toutes les 8 minutes sous l’injonction d’un préposé en uniforme, vous aurez l’occasion d’observer des spécimens mâles et femelles d’homo diemvihus dans leur habitat naturel. Spectacle divertissant mais un peu inquiétant.

L’examen proprement dit commence par une inspection de votre véhicule : clignotants, phares, feu de stop et klaxon. Il est conseillé de les vérifier au préalable. Suit un examen de vos aptitudes à utiliser des fonctions essentielles telles qu’essuie glaces, phares ou dégivrage du pare-brise. Ensuite, le piège, les signaux manuels (hand signals). Comment indiquer gauche, droite et stop avec votre bras gauche ? La réponse est : bras gauche tendu (gauche), bras gauche vers le haut (droite), bras gauche vers le bas (stop). Certains bikers les utilisent sur autoroute. Si vous voyez un chevelu en Harley dresser son poing vers le ciel, il ne s’agit en rien d’un hommage d’un Aigle de la Route à Mad Max, juste l’indication qu’il va se rabattre à droite.

Voici donc le moment tant attendu (ou redouté) du test de conduite. La dame grimpe dans la 996, se présente et me récite un laïus selon lequel elle va évaluer ma capacité à conduire prudemment et prendre des décisions. Règle no 1 : rouler len-te-ment. Règle no 2 : dodeliner ostensiblement de la tête alors que vous scannez méticuleusement vos trois rétroviseurs. Le parcours est court (quart d’heure max) et ne comporte que boulevards (35 mph) et rues résidentielles (25 mph), avec un cocktail prédictible de stops, d’intersection à priorité de droite, de feux rouges où on a le droit de tourner à droite et de feux rouges où on n’a pas le droit de tourner à droite. Certaines manoeuvres sont plus saugrenues, comme par exemple reculer le long d’un trottoir sur 20 mètres. L’inspectrice donne ses ordres par de simples « gauche » ou « droite », inutile de lire les noms des rues ou avenues. Pas de parcours autoroutier, rien qui ne démontre d’une quelconque manière qu’on est capable de conduire au-delà de 55 km/h ou de s’insérer dans un trafic parfois chaotique. Dernier conseil: évitez de commencer votre examen par confondre votre droite et votre gauche, ça fait brouillon.

Retour à la base, l’inspectrice annonce le résultat sans le moindre commentaire et vous rend votre fiche d’examen (exemple ci-contre). Bien difficile d’expliquer la nature des six offenses notées sur ma fiche d’examen, mais il ne paraît pas surhumain de rester en dessous du seuil éliminatoire de quinze erreurs. Il ne vous reste plus qu’à retourner faire à nouveau la queue au guichet, appeler votre assureur pour lui communiquer votre numéro et date d’obtention de permis, et attendre que le permis définitif vous soit envoyé dans les 30 à 60 jours qui suivent.

Ou s’assurer ? Difficile d’être exhaustif, mais Geico.com, à défaut d’être bon marché, a le mérite de vous donner 30 jours de sursis, ce que State Farm refuse catégoriquement. Les primes d’assurance sont comparables à la Suisse. En Avril 2006, Geico.com m’a offert 1200$ pour 6 mois (les primes d’assurances se paient d’autorité par semestre) pour une Porsche Carrera 2 de 2002, avec couvertures tous risques:

– dommages corporels : 50’000$ par personne, 100’000$ max par sinistre
– dommages à la propriété d’autrui : 50’000$
– tiers non- ou sous-assurés : 50’000$/100’000$
– vol, vandalisme, grêle etc. : 500$ franchise
– collision : 1000$ franchise
– dépannage + voiture de remplacement

Le bouquet ci-dessus représente une couverture robuste selon les standards locaux. A noter que les sommes assurées en responsabilité civile et dommages corporels sont faibles comparées aux standards helvétiques. Pour la même couverture, State Farm offrait environ 900$.

Ou acheter ? Une voiture s’achète presque comme un hamburger. On se pointe, on choisit, on essaie éventuellement, on paie et on part avec. Un vrai bonheur pour les impatients, un enfer pour les impulsifs. Les concessions officielles offrent des occasions garanties. Un bon pari si vous trouvez ce que vous cherchez, tout en sachant que cette tranquillité d’esprit a un prix.

A défaut, vous pouvez tenter votre chance avec un vendeur d’occasions ou un particulier. Les premiers ont une réputation sinistre, mais se chargeront de toute la paperasse avec le DMV.  Les multiples sites de petites annonces sont une bonne source d’infos, Craigslist est un exemple. A noter que jusqu’à réception des plaques, ce qui peut prendre des mois, on peut rouler avec une simple vignette sur le pare-brise.

Demander un extrait de Carfax, toutes les transactions enregistrées par les autorités y sont répertoriées et permettent de déceler des anomalies, notamment au niveau du kilométrage, d’accidents ou des changements de propriétaire.

Les américains ont un goût très modéré pour les carnets d’entretien, et les vendeurs de voitures d’occasion s’en débarrassent fréquemment. Un représentant officiel de la marque pourra probablement vous fournir un historique des opérations faites sous garantie et les coordonnées du concessionnaire qui a vendu et entretenu la voiture.Reconstruire un historique d’entretien peut s’avérer difficile, la palme revenant à l’état du Texas où toute information sur l’entretien d’une voiture est strictement confidentielle et donc impossible à obtenir sans l’accord du mandataire des travaux, dont le nom est lui aussi confidentiel.

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