Chronique de rencontres avec une Maserati Gransport.
J’ai toujours été un fan de la Maserati 3200 GT. En fait, je le suis encore, à l’évidence, et bien que mon objectivité puisse être contestable, puisque j’ai eu le privilège de posséder cette voiture, on ne peut dénier à cette Maserati un charisme certain, le charme de l’exotisme discret. Sa ligne est presque astonmartinesque, son biturbo possède des reprises ébouriffantes, accompagnées par une bande son à la hauteur, et ses feux boomerangs, les prises d’air sur le capot qui ajoutent la touche d’agressivité à cette ligne par ailleurs sobrement élégante…. Qu’est-ce que je vous disais, l’objectivité fout le camp.
Bref, il a fallu rien moins que l’essai de la 4200, molle sur ses appuis, à la direction hyperassistée, et sans les fameux feux boomerangs, pour me convaincre de ne pas remplacer la « Maser » par sa descendante. Sauf que … Sauf que depuis, Maserati nous a préparé un cocktail qui semble moultement alléchant.
Sur la base de la 4200, mais avec un certain nombre de modifications qui visent à en faire une voiture plus orientée « sport », comme le suggère avec une subtilité relative son patronyme, la Gransport se pose a priori comme une voiture que j’aimerais bien avoir dans mon garage. Vous aussi, vous dites ?…
Michel, le patron de Speedy Garage, m’a offert la possibilité d’essayer la bête, avec un naturel et une gentillesse qui m’ont presque décontenancé: me voilà à présent devant la voiture, clés à la main, et Tino, que je connais depuis l’époque de la 3200, vient de m’annoncer que, sur la base de mes bons résultats (j’ai failli l’emmener à l’hôpital lorsque nous avons essayé ensemble la 4200), j’ai le droit d’essayer la Gransport seul.
Qu’est-ce j’aime, quand c’est Noël et qu’il fait 25 degrés à l’ombre. D’abord, l’extérieur.
Moi, j’ai un faible pour les voitures noires, c’est comme ça. Et l’équipe du Speedy a justement commandé un Gransport Noir Foncé, plus noir que cela, cela me paraît peu faisable, à part en changeant les jantes. Le gros avantage, c’est que cette couleur gomme l’exubérance des spoilers de côté, aux relents de tuning mal venus sur une voiture de cette classe.
Ce qui aurait pu déranger aussi, c’est la présence de cet énorme trident sur le capot, et de deux énôôrmes « Maserati » sur les flancs. Mais curieusement (cf manque d’objectivité plus haut ?), je suis conquis. Les vitres sont teintées (nan, pas le pare-brise…), assombries à 15%. L’effet vaut son pesant de boulons. D’autres appendices et modifications aérodynamiques distinguent largement la Gransport de la 4200: calandre, discret becquet arrière. Cette voiture particulière a une suspension rabaissée, ce qui lui donne un bel aspect racé.
Si seulement, si seulement ils avaient jugé bon de remettre les feux boomerangs à l’honneur… heureusement, Speedy Garage propose la transformation des feux de votre 4200 en boomerangs type 3200 GT !
A l’intérieur, l’ambiance est un mélange course de luxe. Un peu comme si vous alliez faire du footing avec des Nike en nubuk. Du carbone partout, allié à une sorte de revêtement à l’aspect super-technique pour les sièges, l’équivalent moderne d’une cotte de maille, qui doit tenir le pilote en place tout en présentant plutôt bien, je dois dire. Je parie que c’est ignifugé, tiens.
Le volant a une petite marque de centrage, ce qui accentue encore l’aspect hooligan des routes. Il est extraordinairement compact dans les mains, agréable au toucher comme la majorité des éléments que vous pouvez palper autour de vous. Comme dans la 4200, le pilote dispose d’une bonne position de conduite (sur la 3200, avec le casque, il fallait me rentrer au chausse-pieds, et je mesure un petit mètre 72).
La boîte de vitesse… encore ces satanées palettes au volant, dont je ne suis pas fan. Il y a une sorte de zigouigoui sur le tunnel central, qui doit servir à passer de première en marche arrière. J’avoue que sa manipulation me semblera infiniment douteuse, tout au long de l’essai, offrant à quelques automobilistes l’occasion de maudire ce crétin avec sa maser qui bloque toute la route en faisant son demi-tour. Il parait qu’il faut appuyer “fort” sur la pédale de frein, pour des raisons de sécurité.
Moteur (avec un Start button, comme les grands), et là c’est la claque: le son est… sonore. Toujours le même mélange, le hooligan en smoking, Roger Moore avec un tatouage sur le biceps: un V8 retouché par les tuners qui s’occupent ordinairement de Fiats Punto HGT. Une basse agressive, très présente, une symphonie pleine qui monte vite vers le hurlement franc au fur et à mesure des tours. Cependant, à bas régime, et donc en ville, une sorte de « boom » un peu omniprésent rend l’expérience un peu fatigante, surtout fenêtre ouverte. Assez addictif, tout de même.
La tenue de route est comme elle aurait dû être sur la 4200: amortissement ferme, mais pas rigide, direction précise et consistante, sans flottement autour du point central. La voiture enroule les virages sans montrer son poids (1680 kg), on se sent très vite capable de pousser un peu l’expérience pour voir quel est le côté qui décrochera en premier : avant ou arrière ? Il faudrait juste pouvoir bénéficier d’une vraie piste.
Côté accélération, rien à redire, on est dans le domaine de la GT de grande classe. Les chiffres semblent correspondre à la réalité, même si, toujours en comparaison avec la 3200 GT, le moteur normalement aspiré délivre ses chevaux avec une linéarité qui impressionne peut-être un peu moins.
La boîte de vitesse ? Même pour un vieux c.. rétrograde comme moi, qui ne jure que par les boîtes manuelles, ça ne va pas si mal, hormis le moment embarrassant cité plus haut, avec la marche arrière qui ne veut pas venir, ou la voiture qui reste au neutre désespérément. Entraînement nécessaire, pour le jour où vous resterez en travers des rails et que l’express arrive… Ah, et puis, le petit détail à savoir pour ne pas s’irriter : il faut lever le pied au passage de vitesses, sinon, la voiture proteste.
Juste… le détail qui importe un peu, et le prix qui fait mal : 175 000 CHF dans cette configuration de combat, pour la voiture essayée. Le tarif liste est de 154 700 CHF , ce qui la met toute de même dans les territoires d’une DB7 Vantage quasi neuve, ou … d’une Maranello de deux ou trois ans.
Vous prendriez quoi, vous ? Une de chaque ? Moi aussi.
Données techniques
V8 de 4244 cm3
Puissance maxi: 400 ch à 7000 tr / min
Couple maxi: 451 Nm à 4500 tr / min.
Poids en ordre de marche: 1680 kg
0-100 km / h: 4’85
Vitesse maxi: 290 km /h
Pneus : 235/35ZR19, 265/30ZR19
Voiture aimablement prêtée par Speedy Garage SA , Lausanne.
Episode 2
Après une prise de contact, assez rapide, de la Gransport du Speedy Garage, Asphalte a eu l’occasion de passer un peu plus de temps au volant de la bête. Le complément d’essai comprenait, outre une séance photo extensive, un bout de route avec une Maranello 550 et un petit tour par le Jura et le Marchairuz.
La re-prise en main de la voiture se fait sans difficulté. La Gransport est une voiture « facile », qui ne heurte pas par ses commandes, ses dimensions ou sa position de conduite. Très notable, également, l’effet produit sur les passants, qui se retournent de manière quasi systématique. Le son est toujours présent, plus discret en mode normal, mais nettement extraverti en mode Sport, avec un coup de gaz assez généreux au rétrogradage des vitesses.
Malgré une heure assez tardive dans l’après-midi, rendez-vous est pris avec une 550 Maranello bien connue des lecteurs d’Asphalte. La comparaison peut faire du sens: les deux voitures sont des GT exotiques, même si la Maser vise un créneau un peu différent avec ses 4 places, et se place beaucoup plus humblement sur l’échelle des prix si l’on compare les voitures neuves. Mais, en admettant que vous ayez entre 120 et 150 KCHF à dépenser soudainement, vous auriez sans doute le choix entre une Gransport neuve ou une Maranello avec 4-5 ans d’existence.
Sur les routes du Gros-de-Vaud, il ne semble pas que l’une ou l’autre marque nettement le pas. La symphonie des deux moteurs est un délice aux oreilles, et ne passe pas inaperçue dès que le duo entre dans un village… En accélération, comme en courbe rapide, peu les sépare, même si nous n’attaquons pas avec l’énergie que pourraient y mettre nos illustres confrères d’Evo.
Nous changeons de monture: je passe dans la Maranello, alors que JC embarque dans la Maser, et nous repartons. Evidemment, pour ma première dans une 550, je suis un peu intimidé par le monstre, d’autant que les commandes sont nettement plus viriles que celle de la Gransport, et moins immédiates. La 550 déclenche gentiment son antipatinage alors que nous négocions une bretelle d’accès à une voie rapide… Avertissement sans frais : on badine moins avec ce genre de cheval-là, il faut que je mesure les accélérations si les roues ne sont pas droites, ou si le transfert de masse n’est pas terminé. JC n’a pas l’air d’éprouver le même problème d’accoutumance devant moi, et j’ai un peu de mal à garder la Maserati dans mon viseur. On peut noter, de manière assez amusante, que la Maser semble bondir de quelques mètres en avant à chaque changement de vitesses. Est-ce que finalement ces palettes serviraient à quelque chose ?
Notre essayeur en chef, cependant, sort de la voiture, et ce n’est pas un large sourire que je distingue sur son visage. Visiblement, il n’est pas conquis, à ma surprise… En particulier, la boîte de vitesses le laisse perplexe, et la direction lui semble trop peu communicative. Comme de mon côté, je ne suis pas aussi conquis par la Maranello que je voudrais l’être… Sont-ce deux soupirs de léger soulagement que j’entends alors que nous échangeons à nouveau les véhicules ?
Le bilan n’est donc pas net, Maranello vs Gransport… Cela dépend vraisemblablement aussi de ce que vous attendez d’une GT, et… du temps que vous avez déjà passé à bord d’une 550 !
Le raid vers le Jura correspond de manière pratique à un test des capacités de la Maserati. D’abord sur l’autoroute: la Gransport se comporte sans aucune difficulté, répondant aux sollicitations du pied droit depuis le plus bas des régimes. Sur les routes un peu plus sinueuses, tout va fort bien, les capacités de dépassement sont dans la ligue des sportives de haut de gamme. Pas un camion ou un camping car qui puisse faire obstacle.
Test 1 réussi: arrivée dans le Jura français 8 minutes avant la fermeture du supermarché ! Le test suivant consiste à fourrer 4 sacs de courses dans le coffre… aucune difficulté là non plus. La capacité n’est pas immense, ceci dit, mais… test 2 réussi également, la Maser est bien une familiale…
Ensuite commence la partie la plus intéressante – non sans avoir soigneusement calé les sacs de commissions pour avoir une chance de les retrouver en un morceau. Dans les routes sinueuses qui conduisent à la vallée de Joux depuis Vallorbe, la Gransport est un vrai bonheur. Fenêtre largement ouverte pour bénéficier des échos du V8 sur les parois rocheuses, conduisant plus sur le couple que sur les hauts régimes, la voiture avale les virages à une allure largement… suffisante. Influence des commentaires de JC ? Je sens parfois une certaine difficulté à maintenir un appui stable – quelques corrections au volant s’avèrent nécessaires pour maintenir la courbe.
Après quelques photos autour du lac de Joux, le défi le plus important pour la Maser se profile… le Marchairuz. Pour l’avoir parcouru en Subaru Impreza WRX Sti et Mitsubishi Evo VIII, je sais que ce col comprend une bonne combinaison de virages, freinages, enchaînements qui peuvent mettre à mal plus d’une sportive (et plus d’un conducteur), que ce soit en montée ou à la redescente.
Malheureusement, les cieux choisissent ce moment pour s’ouvrir, et les essuie-glaces ouvrent la voie… pas formidable pour l’attaque du col. Je décide de redescendre, attends que la pluie se calme … et j’y retourne.
En quelques virages, je comprends qu’il ne faut pas mesurer la Gransport à l’aulne de la Mitsu… bien sûr, le sol est mouillé, mais on peut extrapoler le comportement sur le sec : la voiture se place plus difficilement, est moins incisive en freinage. Et sur le mouillé, le système MSP passe son temps à se rappeler au bon souvenir du conducteur… Comme je sens clairement mes limites, et que la voiture doit rentrer en un seul morceau elle aussi, je décide de laisser le système branché. La descente est un peu plus amusante, le sol étant moins mouillé. L’ABS danse beaucoup sous mon pied droit, et les freins me semblent un peu « grumeleux ». Est-ce que par hasard ils auraient surchauffé lors de la récente et courte incursion de la Gransport à Dijon ? A investiguer.
Au final,le bilan s’affine un peu : la Maserati Gransport est une très bonne GT, sexy et efficace sur les routes de campagne, doté d’une aura visuelle et sonore indéniable, et assez exclusive. L’intérieur et la boîte de vitesse peuvent prêter à discussion – en ce qui me concerne j’apprécie beaucoup le premier et me suis finalement à peu près habitué à la seconde (mais on ne m’ôtera pas de l’idée qu’une manuelle… enfin). Par contre, à l’attaque sur un col, surtout sur le mouillé, il vaudra mieux utiliser une monture plus spécialisée… Il y a également la question du prix, voir les commentaires dans la prise de contact.
Données techniques
V8 de 4244 cc,
Puissance maxi: 400 ch à 7000 tr / min
Couple maxi: 451 Nm à 4500 tr / min.
Poids en ordre de marche: 1680 kg
0-100 km / h: 4’85
Vitesse maxi: 290 km /h
Pneus : 235/35ZR19, 265/30ZR19
Equipements de série
Airbags conducteur / passager / latéraux, barres de protection noyées dans les portes, coupe circuit / alimentation / sécurité collision, kit de réparation de pneus avec compresseur, phares anti-brouillard, contrôle de la traction et de la stabilité (ABS, EBD, ASR, MSR, MSP), jantes en aluminium, boîte à vitesses F1 (6 vitesses), pots d’échappements Sport, sellerie cuir, tissu technique anti-grip, sièges électriques avant sport, système Easy Entry pour accès à l’arrière, volant sport carbone, pédalier Racing en aluminium, console & plage centrale en carbone, mise en marche Start course, climatisation automatique, glaces athermiques, rétros électriques rabattables.
Equipement en option
Peinture métal, pinces de freins (Rosso), système de navigation, kit téléphone, revêtement moulures des portes (Carbone), revêtement seuils des portes (Carbone), repose pied passager (Aluminium), rétroviseurs éléctrochromiques CARBONE, jantes 19″ Ball Polished, spoiler AR (Carbone), système d’alarme, phares Xénon, suspensions électroniques (Skyhook), châssis sport (rabaissement), vitres teintées.
PRIX DE VENTE NEUVE: 176’600.- chf (Tva incluse)
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