Essai Harley-Davidson Street Rod

Harley explore une voie plus sportive pour sa gamme. 

Si Ferrari évoque des quinquas bedonnants exhibant sur un poitrail velu et hâlé un Cavallino Rampante suspendu à une chaînette en or massif, les clichés sur la clientèle Harley-Davidson incluent deux populations bien distinctes. A notre droite, le cadre BCBG, cherchant à pimenter une quarantaine un peu morne de folles chevauchées sur une Electra Glyde, option sacoches en peau de mozon véritable et franges aux poignées, pouet-pouetant sur un ersatz de route 66 entre Thun et Interlaken. A notre gauche, le biker pur et dur, rouflaquettes, bandana et tatouages, liquéfiant d’un regard Schwarzenegerien tout microbe troublant la marche inexorable de sa Fat Boy vers Sturgis.

Tout cela pourrait bien changer avec le roadster Street Rod.

En 2002, l’institution de Milwaukee, Wisconsin (pour les ignares, c’est un état au nord de l’Illinois/Chicago) eut le courage de lancer un modèle en rupture avec des traditions férocement ancrées dans la culture de l’entreprise depuis un bon siècle : la V-Rod (prononcer Vi-Raude pour être compris dans la Broye Fribougeoise et certaines parties reculées du canton de Vaud). Les culbuteurs et le refroidissement à air sont relégués au rang de pièces de musée, la « révolution » arbore crânement une distribution par chaîne, un refroidissement liquide, 4 soupapes par cylindrée, et une zone rouge à 9000 t/min.

La V-Rod reste pourtant un custom, plus adapté pour croiser sur les highways rectiligne de Bushland que sur les routes viroleuses de la vieille Europe. La famille VRSC (c’est l’acronyme officiel) se décline désormais en 3 modèles : VRSCA pour le custom V-Rod, VRSCD pour le … (le quoi en fait ?) Night Rod et VRSCR pour le roadster Street Rod qui nous occupe ici. La différence principale se situe dans la position de conduite et la garde au sol qui autorise des angles de 40 degrés.

L’empattement reste long avec 1700 mm (ça fait beaucoup en comparaison des 1525 mm d’une Yamaha MT01) et l’esthétique est un peu moins élancée que celle de la V-Rod, un peu horizontale, un compromis résultant d’une selle rehaussée pour reculer les repose-pieds.

Prise en main facile, les commandes sont un peu fermes, surtout l’embrayage, mais le moteur est souple et permet d’enrouler sur le couple, avec un soupçon de vibrations qui donnent juste ce qu’il faut de caractère sans devenir caricaturales ou désagréables. La position est naturelle, typée roadster avec le buste droit et les jambes à la verticale du corps. Les premiers virages sont abordés avec un peu de circonspection, mais la Street Rod se révèle être un roadster docile. Passager et pilote bien installés, excellentes reprises, il faut juste un peu composer avec le poids du tout : on parle quand même de 280 kg à vide, même si le centre de gravité est bas. Le combiné d’instruments est illisible, beaucoup trop bas par rapport au champ de vision et pas particulièrement lisible si on se décide à hocher de la tête. Limite dangereux si on se soucie trop des limitations de vitesse, il faut prendre quelques points de repères sonores et s’y tenir.

Pour revenir au passager, celui ou celle-ci dispose d’un strapontin un peu court et d’une courbure propice à finir assis sur le bitume. Les repose-pieds sont logés assez haut et il n’y a pas de poignée de maintien sauf l’obligatoire et inutile lanière de selle. Tout à fait correct, mais pas pullman.

Une fois le twin en température (pas de jauge, qu’un témoin de surchauffe), la curiosité pousse à voir ce que ces 1130 cm3 ont en réserve. Je n’ai pas été déçu, voire franchement surpris, au point de laisser ma passagère sur place, comme dans un dessin animé de Tex Avery. Passé 5000 tours (au pif), le Street Rod pousse vigoureusement, avec une allonge qui surprend. Ca tire sur les bras, le moteur prends des tours, on passe le rapport supérieur probablement trop tôt (pas une bonne idée de perdre la route des yeux à ce moment) et ça continue ainsi. Finie la tranquille balade, le registre devient sportif. On reste loin du rapport poids-puissance d’une R1, pas de wheelings intempestifs à craindre, mais les sensations sont bien présentes. La vocation n’étant pas de taquiner le chrono mais de se faire plaisir, le résultat est très réussi.

Toute cette cavalerie serait bien superflue si le reste de la moto n’était pas à la hauteur. Partie-cycle et suspensions se font oublier dans le bon sens du terme, sauf peut-être la fourche qui a un peu de peine à filtrer les soubresauts du freinage avant franchement mauvais de notre modèle d’essai : disques probablement voilés, vibrant horriblement et peu progressifs. Vraisemblablement une défectuosité, pourtant singulière sur une moto accusant moins de 3500 km au compteur. Le frein arrière joue son rôle de ralentisseur d’appoint.

La garde au sol est plutôt bonne, les Dunlop Sportmax équipant cet exemplaire commençant à glisser avant qu’un appendice d’acier se mette à faire des étincelles. La moto mériterait des gommes un peu plus tendres procurant un grip plus franc. On se prend ainsi au jeu, jouant du contre-braquage pour balancer la moto dans les enchaînements, sortant la fesse intérieure dans les épingles. Il est peu probable que des sliders deviennent indispensables, mais le résultat d’ensemble est positivement surprenant.

Esthétiquement, avec tout ce que cela comporte de subjectif, la Street Rod a un peu perdu de l’élégance de la V-Rod, la ligne selle-réservoir plus plate allonge le profil, et certains détails de finition font un peu cheap sur une moto de ce prix : les platines en tôle de garde-boue avant, le plastic du garde-boue arrière. Les marques japonaises ont mis la barre assez haut en termes de raffinement dans la finition de détail. Le prix de base de 22680 CHF est conséquent pour une moto, mais prestige (de la marque) et prestations (du modèle) n’en font pas une mauvaise affaire.

Je m’attendais à un gentil custom roadsterisé, et j’ai découvert une moto qui offre un registre étonnament large entre la promenade buccolique et un rythme beaucoup plus soutenu. Peut-être un peu lourde et encombrante pour une utilisation principalement citadine, la Street Rod fera preuve d’une belle polyvalence pour tout le reste, en distillant un plaisir de conduite réel quelle que soit l’humeur du moment. On en vient à rêver que Buell mette cette mécanique dans une partie-cycle un peu plus compacte et légère, le cocktail pourrait être explosif.

Données techniques:

Moteur: V2, 1130 cm3
Puissance: “varie selon les pays” (environ 118ch)
Couple: 108 Nm @ 7000 t/min
Pneus: 120/70/19 AV, 180/55/18 AR
Piods à vide: 280 kg
Prix: à partir de 22680 CHF

Remerciements à M. Alexandre Dutoit de Biker’s Point à Echandens pour le prêt de cette moto. Deux modèles de démonstration (bordeaux et jaune) sont à vendre à prix promotionnels.

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