Vu qu'on parle passablement pilote automatique ces temps avec les inévitables références aviation, que j'ai le temps et l'envie, me suis fendu d'un petit descriptif de comment fonctionne celui de l'Airbus. Bref description de ses composants, limitations et capacités. J'espère que ça intéressera certains. Les termes techniques seront en Anglais pour éviter des traductions tragiques.
Tout d'abord, présentons les principaux acteurs dans ce qu'on appelle pilote automatique. Il y a bien plus en réalité mais c'est suffisant pour se faire les dents dans les grandes lignes. Il y a donc:
2 FMGC (Flight Management Guidance Computer)
1 FCU (Flight Control Unit - 2 canaux)
2 FAC (Flight Augmentation computer)
2 Flight Directors
2 Autopilot - 1 Autothrust ( 2 canaux)
L'ordre est important, on est dans du simplifié mais c'est la chaine alimentaire du système, on voit tout de suite que le pilote automatique est assez bas dans la liste.
La base de tout se passe dans le FMGC, deux ordinateurs connectés en parallèle qui se contrôlent à travers le MCDU (Multifunction Control and Display Unit). Important de faire la différence entre le hardware (MCDU) et le software (FMGC) ici, même des pilotes font l'amalgame alors que c'est faux.
C'est donc l'ordinateur de bord où on va insérer entre autres le plan de vol, les données de performances etc... Il va calculer un profil vertical, latéral et des vitesses optimales en tenant compte des contraintes (par ex une Vmax ou une altitude fixée au-dessus d'un point de nav). On lui donne aussi un "Cost Index" (entre 0 et 999) en fonction de quoi il va calculer les vitesses et altitudes optimales, 0 pour voler pas cher, 999 pour voler rapide. La partie NAV est affichée sur le Nav display comme suit:
On est ici juste avant Baghdad
Jusqu'ici, c'est plus ou moins pareil sur tous les avions, on arrive maintenant dans la philosophie Airbus avec le FCU et FAC.
FCU, c'est l'unité de contrôle des executions automatisées. C'est une manière de reprendre la main sur le ce que le FMGC veut faire sans pour autant déconnecter le pilote automatique. Comme accélérer ou ralentir avec le levier du cruise contrôle, on ne le fait pas avec les commandes directes mais on force notre volonté sur le système.
Il s'âgit des 4 commandes rotatives au centre sous les petits écrans. Dans l'ordre: Vitesse, Altitude, Heading, Vertical speed. Comme vous pouvez le voir, à part l'altitude, on a des traits-tillés et points partout. C'est là toute la philosophie Airbus, "Push to manage, pull to select". Si on pousse, l'avion volera la vitesse calculée comme optimale par le FMGC ( - - - O ), si on tire, on peut choisir la valeur.
Avec heading pareil, push et il volera la NAV du FMGC, pull et on peut choisir la direction en degrés magnétiques.
L'altitude c'est un peu différent, jamais l'avion ne changera d'altitude automatiquement, à nous d'insérer la target altitude dans la fenêtre, push to manage pull to select est valable à nouveau. Push: L'avion grimpe ou descend à l'altitude choisie selon le profil calculé par le FMGC, pull, il met plein gaz et gère l'assiette pour obtenir la vitesse voulue. En cas de descente, il met les moteurs au ralenti et gère la vitesse à l'assiette.
Vertical speed, quand on veut un réglage fin du taux de descente ou de montée, la vitesse est ici gérée aux moteurs car l'assiette est fixe. Typiquement utilisé à basse altitude ou juste avant d'intercepter l'altitude voulue pour éviter des taux élevés et l'inconfort causé aux passagers lors de la mise à niveau. On aplati donc le profil avec.
Jusqu'ici, l'autopilote et l'autothrust sont toujours enclenchés.
On en arrive maintenant aux FAC, c'est la securité Airbus, ils calculent en permanence des valeurs limites et si le FMGC ou le pilote à travers le FCU veut faire faire une manoeuvre qui serait en dehors de l'enveloppe de vol, ils interviennent et calment le jeu. Note importante, le décrochage est la seule manoeuvre que les FAC vont nous empêcher de faire lorsqu'on vol à la main. La raison est simple, il peut y avoir une situation où un léger overload d'un ou plusieurs paramètres est nécessaire pour éviter un drâme, le décrocher lui n'est jamais nécessaire.
On a donc pour sources de manoeuvres les données FMGC, les volontés des pilotes à travers le FCU, les interventions des FAC, il nous faut un chef d'orchestre dans tout ça, ce sont les flights directors, la plus belle invention de l'aviation, voler sans autopilote, facile, voler un Airbus sans FD, possible mais très fatiguant, demande une concentration folle.
On voit en haut à droite " 1 FD 2 " signifiant que les deux FD sont enclenchés. De manière générale, cette partie supérieure du PFD (Primary flight display) est la partie la plus importante et s'appelle FMA (Flight Mode Annunciator). Il nous communique ce qui fonctionne par feedback. Ce qu'on entre dans le FMGC ou sélectionne sur le FCU, c'est une wishlist, on ne peut faire confiance qu'une fois les modes sont affichés sur les FMA car ils reçoivent l'info directement de l'ordinateur qui a reçu l'ordre par FMGC ou FCU. Le tout en self checking à travers deux canaux.
Mais revenons à nos FD, si vous regardez sur l'horizon artificiel, il y a deux barres vertes. Ce sont les conseils verticaux et horizontaux des FD pour obtenir la trajectoire qui:
- suit le plan de vol ou le heading choisi
- assure la trajectoire verticale pour voler à la vitesse et au taux de montée/descente voulu
- respecte les limites calculées par les FAC
Dans le cas présent, maintenir 250 noeuds (en select car le curseur est bleu, magenta si c'est "managed") à 8000 pieds sur un cap de 275 degrés avec l'autopilote 1 en action et autothrust ON. Si on sélectionne 300 degrés, la barre verticale se déplacera à droite pour montrer qu'il faut aller vers la droite afin de voler la trajectoire voulue.
L'autopilote dans tout ça? Il suit les ordres des FD... Absolument rien d'autre. On peut d'ailleurs déconnecter l'AP et suivre les instructions FD à la main. L'AP est donc bel et bien une béquille pour éviter d'avoir la main sur le manche en permanence mais ne fait rien de plus. On peut aussi déconnecter les FD et voler comme un Cessna, typiquement sur une approche visuelle.
En résumé, l'autopilote est en bout de chaine sur un procédé qui implique bien des choix de la part des pilotes, comment voler quand etc... Typiquement, sur une descente on fait la majorité en "Selected" car le FMGC et bien trop conservateur et gaspille du carburant pour assurer un profil stable, on arrive à faire plus rapide, plus économique et autant safe que lui.
En montée c'est 50-50. Typiquement, on veut monter à 36000 pieds mais on doit faire un plateau à 21000, en fully managed on va bêtement avancer à 250 noeuds à niveau alors qu'il est plus intelligent d'accélérer (maintenir les turbines à pleine charge est crucial, leur durée de vie est avant tout impacté par la quantité de changements de régime, de plus la remise en régime demande une quantité de carburant énorme) emmagasiner de l'énergie cinétique qu'on va ensuite pouvoir échanger pour un taux de montée plus important, arriver à l'altitude de croisière plus vite (on consomme moins en haut) à la vitesse voulue et elle est belle. C'est un exemple parmi probablement 25 cas "standards" où l'intervention pilote est préferable. En croisière le fully managed fonctionne impecc.
L'autothrust lui donne les gaz nécessaires pour obtenir la vitesse target, fonctionne aussi avec AP OFF.
Voilà! J'espère que ça aura pu intéresser des gens et donner 2-3 explications sur le comment du fonctionnement des procédés automatisés en aviation.