_nicolas a écrit : ↑03 mars 2024 16:38
Ce n'est pas une bonne tactique que d'appeler à mon égo pour faire de ton argument ce qu'il n'est pas, à savoir une vérité absolue. D'une part, en dehors du fait qu'opposer systématiquement la présomption d’innocence à tout argument relève du sophisme, ce n'est pas parce qu'un principe s'applique en justice qu'il s'étend d'office au reste de la vie en société. D'autre part, le principe même de présomption d’innocence est à géométrie variable : tous les pays n'en ont pas la même définition et des professions l'aménagent avec grandes largesses (cf. codes de déontologies en journalisme) sans que celles-ci soient condamnées pour cela.
Il est dommage que tu interprètes l'effort de démontrer la faiblesse d'un raisonnement comme une volonté de "basher".
Le droit interdit aux citoyens de se faire justice eux même : les peines, c'est un pouvoir qui est réservé au système judiciaire. Tu joues sur les mots en faisant comme si le fait de détruire la réputation d'une personnalité publique n'était pas une peine. C'est une défense classique cf. Clinton avec son: "je n'ai pas eu de relation sexuelle avec Lewinsky, c'est elle qui en a eu une avec moi" ou quand Poutine dit "je ne mène pas une guerre en Ukraine, juste une opération spéciale". Si sur la forme, il est possible de s'en sortir avec ces nuages de fumée, sur le fond, personne n'est dupe.
La volonté des gens qui ne respectent pas la présomption d'innocence, y compris en dehors du cadre d'un procès, c'est de délivrer une peine au coupable: "Ce salaud a tripoté des minettes? On va le briser et il ne pourra plus sortir dans la rue".
Peut être que tous les pays n'ont pas la même définition de la présomption, mais la question est quelle est la définition en Suisse, car c'est là où nous sommes. Je ne doute pas que chez les saoudiens, la notion soit différente, mais ici, on parle de la Suisse.
Le fait qu'il existe des exceptions (typiquement, l'intérêt prépondérant qui justifie ce que font les journalistes d'investigation et fait que si eux le font, ce n'est pas punissable) ne veut pas dire que toi ou moi, simples citoyens, nous avons le droit de nous prévaloir de ces exceptions. J'en reviens à la base: est ce qu'un simple citoyen, pas un journaliste ou une profession particulière, a le droit, dans un état de droit, de participer à la destruction de la réputation d'une personne ? La réponse est non. Si Depardieu le voulait, il pourrait t'attaquer en diffamation. Il ne le fait pas car tu peux te cacher derrière la multitude du groupe (s'il voulait que ce soit efficace, il devrait t'identifier formellement, faire constater l'atteinte puis lancer une procédure internationale et refaire la même chose avec tous ceux qui le bashent actuellement). Mais clairement, le fait de basher Depardieu est punissable dans notre société car tu lui crées un dommage : atteinte à l'honneur (173 et 174 cp) pour le volet pénal, manque à gagner car à cause de ca, il ne peut plus tourner et les royalties de ses films passés baissent (là ce sera du civil).
Petit rappel pour ceux qui ne sont pas familiers avec la chose: Art 173 al1 cp: « Celui qui, en s’adressant à un tiers, aura accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l’honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, celui qui aura propagé une telle accusation ou un tel soupçon, sera, sur plainte, puni d’une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus. » . Donc si moi, simple citoyen qui ne tombe pas dans les quelques exceptions prévues (victime, journaliste, etc.), je m'amuse à dire dans un cercle public que Gégé est un gros dégueulasse méprisable violeur multirécidiviste, sachant que tant qu'il n'a pas été condamné, il m'est impossible de démontrer que ce que je dis est factuel (et encore, dans certains cas, même rappeler une vérité peut tomber sous le coup de la diffamation), je suis susceptible d'être puni au pénal. Et rappel, le pénal, ca veut dire que l'on considère que le comportement porte atteinte à la société. Donc en Suisse, notre droit ne tolère pas qu'un simple citoyen s'autorise à participer à la destruction de la réputation d'une personne et si c'est porté à l'attention du ministère public (plainte de la victime), ce sera poursuivi. C'est par ce mécanisme que la présomption d'innocence est assurée, pas seulement dans les tribunaux, mais aussi en dehors.