Vaste sujet.
La stratégie de Mitch McConnell est aussi efficace qu'elle est radicalement puante. Entre le refus de confirmer Merrick Garland sous Obama et l'avance résolue de la confirmation de Kavanaugh contre toute décence, McConnell aura marqué son reigne sur le Sénat pour des décennies, avec deux juges jeunes, Gorsuch et Kavanaugh, extrêmement à droite, et sauf accident, en poste pour 30 ans. La portée est énorme. Avortement, argent en politique, armes, droit de vote, status des homosexuels, ces 5 bonhommes peuvent avoir plus d'influence sur la politique américaine intérieure que 4 présidents consécutifs.
N'importe quelle loi remise en cause dans un état remontera dans un des circuits, puis à la cour suprême, qui peut le déclarer inconsitutionnel.
L'impact politique sur les élections qui ont lieu dans 30 jours reste incertain.
A chaud, il semble que l'opposition à Kavanaugh a eu un effet de retour de balancier en énergisant l'électorat républicain. Reste à voir si ça va durer pendant 1 mois ou jusqu'à la prochaine controverse de Trump.
Le contre-argument est que ça aura encore plus motivé l'électorat féminin, de droite comme de gauche, à voter contre les républicains. Ouvertement ou dans le secret de l'isoloir. Selon 538, il y a
3 chances sur 4 que les démocrates remportent la chambre, et
1 sur 5 qu'ils remportent le Sénat.
Rappel 1: pour la présidentielle, les sondages indiquaient 2/3 Clinton 1/3 Trump. 1/3 n'est pas zéro. 1/4 n'est pas zéro. 1/5 n'est pas zéro. En cas de mécompréhension, jouer à la roulette russe avec une ou deux balles dans le barillet devrait remettre les idées en place (ou les éclabousser sur le mur adjacent).
Rappel 2: dans le système américain, tous les 2 ans, l'entier de la chambre est renouvelé, et seulement 1 tiers du Sénat (mandat de 6 ans).
La procédure de nomination elle-même a démontré une fois de plus le cynisme du parti des valeurs chrétiennes et morales.
Parti des vieillards blancs, qui ont très mal géré le processus, dû attendre une semaine de plus que prévu, mais ont eu gain de cause par simple effet de majorité. Une sénatrice clé resort comme une belle hypocrite: Susan Collins (Maine). Présentée comme modérée, très attaché à la liberté sur l'avortement, mais qui s'est satisfaite de platitudes qui ne tiendront pas. Lisa Murkowski (Républicaine, Alaska) a voté contre Kavanaugh. Joe Manchin, démocrate de West Virginia a voté pour suite à la décision de Collins pour sauver sa réélection.
Le fond de l'affaire: question de point de vue. Pour moi, il est clair que:
- Mme Ford disait la vérité, elle n'avait strictement rien à gagner dans l'affaire et lancé sa démarche
avant que Kavanaugh soit choisit par Trump
- Kavanaugh a menti sur de petites choses (sa chasteté et sa sobriété alors que tout démontre le contraire) et probablement sur des plus grandes
- l'enquête du FBI sur 4 jours a été une farce
Cette histoire tristement ordinaire d'un abus sexuel montre à quel point la société américaine (vu qu'on parle d'elle) est encore ancrée dans des schémas néandertaliens.
La culpabilité de Kavanaugh n'est pas juridiquement démontrée, mais ce n'était pas un procès. C'était une audition, deux auditions en fait. Et la deuxième fut un spectacle lamentable de colère, de partisanerie politique, d'agressivité, de perte de contrôle. La règle d'or de l'embauche, c'est que dans le doute, on s'abstient. Les républicains ont choisi de donner le bénéfice du doute (doute qu'ils n'ont probablement même pas - tenter de baiser une adolescente après avoir trop bu,
qui ne l'a pas fait dans son jeune ou moins jeune âge, par excès de camaraderie ?) à un homme voué à un mandat à vie dans la plus haute fonction judiciaire de l'état.
Il est encore possible que la presse sorte des choses sur Kavanaugh, et il peut être destitué par le Congrès, mais la barre est tellement haute qu'il est peu probable que ça survienne. Ce qui est beaucoup plus probable, c'est que Kavanaugh resort du processus aigri, marqué, comme Clarence Thomas il y a 20 ans (l'affaire Anita Hill). Et tous les observateurs de la Cour s'accordent à dire que ça l'a encore plus radicalisé.
Une énorme défaite pour les démocrates, pour les institutions, que les Républicains paieront peut-être aux élections, mais qui va marquer la société américaine pour une génération, sans doute catastrophiquement.
La réalité de l'Amérique, c'est qu'il y a 60% des votants qui admirent un gars comme Obama, son éloquence, sa manière d'appréhender la complexité des problèmes, son sens de l'histoire.
Et 40% qui se reconnait dans Trump, l'hyper-simplification jusqu'au ridicule, l'ignorance, le cynisme absolu, la rancoeur, le racisme et la xénophobie. Et qui s'identifie à Kavanaugh.