Tom63 a écrit : ↑27 mai 2020 14:49
Quand les mêmes médias parlaient du fabuleux traitement du glorieux Pr. Raoult H24, ils dénaturaient ou pas?
Ou alors c'est juste maintenant que c'est la faute des médias si des études qui invalident ce traitement sortent?
A l'inverse, on attend toujours un fondement crédible aux belles certitudes de Raoult.
Quelle étude?
Est-ce une de celles qu'il a réalisé sur des humains sans autorisation pour cela?
Ou celles qui enlevaient les cas qui ne lui étaient pas favorables?
La réalité est que rien ne permet de confirmer ses dires. Aucune étude sérieuse ne confirme que la prise de chloroquine permette d'empêcher l'aggravation du virus d'une quelconque façon.
Au contraire, ça fait un moment que tout à part Trump converge à démontrer que ce traitement n'est absolument pas efficace contre le Covid19, et peut même entraîner des effets secondaires pires que le mal.
Et que vient faire la question de son look au milieu du débat?
Plusieurs choses là dessus. Pour commencer, je ne suis ni pro ni anti Raoult. En revanche, je suis scientifique et la base de la science, ce n'est pas d'avoir des certitudes mais des doutes. C'est sur la base des certitudes qu'on a fait dire à Galilée que la terre était plate ou que les travaux d'Einstein sur la relativité ont été considérés comme de faible portée… Des trucs que l'orthodoxie soit disant scientifique ont raté, il y en a des dizaines. Au hasard, l'innocuité de l'amiante ou encore des perturbateurs endocriniens etc.
Faire des tests en pur respect du protocole, c'est cool quand on n'a pas d'urgence, mais ce n'est pas la bonne méthode en temps de crise. Des chirurgiens qui ont opéré jusqu'à 17000 blessés par jour sur les champs de bataille de la guerre de 14-18, je ne suis pas convaincu que les instruments étaient parfaitement désinfectés entre 2 patients ni que l'atmosphère d'une temps dans une tranchée était parfaitement stérile. Il s'agissait donc probablement de violation des bonnes pratiques. Sans doute que quelques uns sont morts de ce non respect. Mais à mon avis, bien plus s'en sont sortis grace à ces violations. Donc oui, Raoult ne fait pas les choses dans les règles de l'art, oui, il faudra par la suite tout faire propre, mais quand il a fait ses trucs, l'urgence de la pandémie mondiale justifiait de bypasser les étapes.
Oui, il a enlevé des patients qui ne l'arrangeaient pas. Mais il faut comprendre qu'on n'était pas en phase de confirmation de résultats déjà bien avancés, on était en phase de voir ce qui fonctionnait. Tout le monde s'accorde aujourd'hui à dire qu'une fois entré aux soins intensifs, on n'est plus tellement dans un problème d'infection mais dans un problème de réaction immunitaire qui fait lacher les organes les uns après les autres, sans en épargner. Raoult la constaté en cours de route et plutôt que de s'attacher coute que coute à son idée de départ, il a eu l'honnêteté de reconnaitre que pour les cas grave, son traitement ne pouvait rien et donc il l'a stoppé puis a retiré les patients pour lesquels il avait constaté l'inefficacité de son étude. Donc oui, ce n'est pas propre de choisir pile ou face une fois que la pièce est retombée par terre et donc oui, il fallait une étude complémentaire où le filtre sur les patients est décidé avant d'appliquer le traitement, mais de nouveau, on était en phase exploratoire et soumis à une contrainte d'urgence et donc c'était la bonne chose à faire, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y avait pas encore des choses à faire et que l'étude avec filtration a posteriori était solide. C'était une piste à raisonnablement explorer.
Je ne pense pas avoir vu toutes les interventions de Raoult, mais de celles que j'ai pu voir, il n'a jamais dit que son étude était orthodoxe. Il a dit qu'il avait des premiers résultats qui valaient la peine d'être étudiés plus en avant et il a soulevé le fait que beaucoup de buzz était fait autour d'un médicament qui a certes des effets secondaires, mais qu'on les a jugés suffisamment faibles pour qu'on prescrive massivement la molécule depuis des dizaines d'années. Et là, je suis 100% en ligne avec lui: lisez, ne serait ce qu'une seule fois, la notice d'un des médocs "innocents" que vous prenez ou même tout simplement de trucs qu'on prend quand on est en bonne santé comme les pilules contraceptives. Vous verrez que ce n'est ni mieux ni pire que ce qu'on nous signale sur la chloroquine.
Le fond du problème ici est à mon sens que les médias étaient en mal d'information et ont donc monté en épingle cette histoire, de la même manière qu'on organise le suspens dans une émission de téléréalité. Ca m'a rappelé l'époque du petit Gregory où chaque soir, on en apprenait un peu plus sur les histoires de famille, sur le corbeau, etc. pour en arriver à ce que finalement, un gars bute son cousin à coups de fusil de chasse. Et derrière, on rajoute la reprise du truc par des politiciens en mal de visibilité ou en recherche d'électorat et on a tout le cocktail pour arriver au grand n'importe quoi qu'on observe en ce moment.
Ma conclusion: Raoult a eu raison de pratiquer comme il l'a fait au début car l'urgence le justifiait largement. En revanche, désormais, en tout cas pour nos pays, l'urgence n'est plus là: la pandémie est raisonnablement maitrisée, on commence à mieux connaitre notre ennemi et donc à mon sens, fini le temps où on viole les bonnes pratiques, il est temps de rebasculer dans un mode où on fait les choses "propre en ordre" avec du double aveugle. Et cela prendra du temps: on constate des différences qu'aucune étude ou facteur n'explique sur la contagiosité ou la virulence. On ne sait toujours pas expliquer la quasi immunité naturelle des enfants. Et donc l'étude qui n'arrive pas à trouver d'efficacité de la chloroquine est un premier pas, mais il ne suffit de loin pas à conclure à l'inefficacité de la chloroquine. Il nous faudra bien plus de temps et de finesse dans la sélection des patients pour randomiser proprement les groupes de test par exemple. Pour avoir participé sur le volet statistique à des études médicales du CHUV, mettre 24 mois pour sélectionner 20 patients dont on maitrise l'entier des conditions et pour lesquels il n'y a aucune rupture de protocole, ce n'est pas un délai déconnant. Donc là, en 2 mois et avec une maladie dont on ne connait en pratique rien, il serait super prématuré de tirer des conclusions définitives. Regardez juste le temps et le nombre d'études qui ont été faites pour le glyphosate sans qu'on n'arrive à tirer de conclusions définitives. Regardez juste le temps qu'il nous a fallu pour comprendre que le SIDA existait et que les personnes ne mourraient pas juste qu'une grippe qui a mal tourné pour comprendre le temps qu'il faudra pour savoir si oui ou non, et dans quelles conditions, le chloroquine peut avoir un effet bénéfique. Il est donc urgent d'arrêter de surmédiatiser ces histoire, de laisser les scientifiques bosser et de comprendre qu'on n'y verra quelque chose de pertinent au mieux dans 12 mois. Tout ce qui se passera avant ne sera que de l'agitation médiatique. Et oui, il est sain qu'il existe des contradicteurs comme Raoult. Il a peut être tort, mais l'existence d'une opposition à la pensée majoritaire est en soit bénéfique à la démarche scientifique: c'est le seul moyen de progresser.