A mon avis, la caisse unique est une mauvaise réponse - car idéologique - de la gauche à un problème réel, celui des coûts de la santé. Le problème n'est d'ailleurs pas spécifique à la Suisse, loin s'en faut, mais nous avons au moins l'avantage de payer cher pour une population saine et une excellente longévité, par opposition au champion des coûts de la santé (les USA) avec une facture encore plus élevée pour un résultat nettement moins bon.
L'idée de la caisse unique se base sur un principe idéologique qui voudrait que:
- une caisse unique par canton entraînerait moins de frais que le système libéral actuel
- la publicité, les bénéfices, les frais de gestions, les salaires sont la cause de l'augmentation des primes
- la sélection des risques est contraire à la dignité humaine
Le problème, c'est que
de l'aveu même des initiants,
86% des économies promises ne proviendraient
pas des coûts inutiles de la publicité ou des coûts inutiles dûs aux changements de caisse, mais d'une prise en charge coordonnée des soins, chose qui n'a strictement rien à voir avec la structure de remboursement, et tout à voir avec la gestion des soins. D'ailleurs, si on prend un exemple d'une grosse caisse comme
le groupe Mutuel, leur bénéfice annuel 2013 n'était que de 0.4% des primes LAMAL encaissées. Ce n'est donc pas parce que ces cochons d'assureurs s'en foutent plein les poches que nos primes sont chère.
Le problème de l'augmentation des coûts est démographique (vieillissement de la population), technique (de plus en plus de moyens de maintenir les gens en vie longtemps) et donc éthique, mais aussi dans une moindre mesure législatif (concurrence étrangère sur le prix des médicaments, mais c'est
peanuts dans le gâteau total).
Il n'y a pas de solution aux coûts de la santé sans toucher à la consommation de soins hospitaliers (23 milliards) et ambulatoires (19 milliards). Et ça, ce ne sont pas une administration étatisée qui va y changer que pouic.
Par contre, le coût d'une transition d'un régime privé à un régime public n'est pas une opération blanche. C'est un foutoir de proportions bibliques avec des coûts exhorbitants pour un bénéfice nul. Je connais pas les chiffres sur les effectifs que ça représente, mais sur les 48'000 employés du secteur de l'assurance en Suisse, ça doit au moins en faire le quart. Donc ça fait plus de 10'000 personnes à virer du secteur privé et ré-engager dans le secteur public, souvent à d'autres endroits que celui où ils se trouvent.
Les administrations publiques n'étant pas nécessairement reconnues pour leur productivité ou efficience, c'est un coûteux gâchis qui ne résoud en rien le problème de base: comment mieux prévenir la maladie ou l'accident avant qu'ils ne coûtent, comment soigner moins cher, comment lutter contre les problèmes endémiques à venir (augmentation de l'obésité et du diabète type 2 comme aux US, effets de la malbouffe, etc ...).
Donc tout ça pour rien, probablement pire qu'avant. Donc non, sorry, fausse route, il faut adresser les problèmes qui génèrent de la demande. Par exemple le fait que les Suisses demeurent de gros fumeurs, et qu'on n'a pas fini d'en voir les coûts. Jusqu'où veut-on une médecine solidaire par rapport à des gens qui prennent en connaissance de cause des habitudes qui leur flingueront la santé ?
Il y a plein d'autres questions à se poser, se comparer aux
best practices des pays de l'OCDE par exemple. Comment les finlandais arrivent-ils à 9-9.5% de leur PIB alors que nous sommes à 11% ? Que doit-on faire pour éviter de dériver vers les 11.3% des allemands ou les 11.9% des néerlandais ?