Essai Porsche Panamera Sport Turismo: en nuance

Sport Turismo: une nouvelle dimension pour la Panamera ? 

Avec la Sport Turismo, Porsche a lancé sur le marché la troisième carrosserie de la Panamera deuxième génération, après la berline-coupé et sa version à empattement long. Présentée au salon de Paris 2012 sous la forme d’un concept, la réaction unanime de la presse et de la clientèle a facilement convaincu la direction de Porsche d’inclure la Sport Turismo dans le plan produit du modèle.

La Sport Turismo est identique en dimensions à une Panamera 2 à empattement “court” (2950 mm tout de même), mais la partie arrière est redessinée à partir du pilier B pour adopter les volumes d’un break de chasse. A mes yeux, la ligne de la Panamera gagne ainsi en élégance, mais autant le dessin de la Panamera 2 fait l’unanimité autour de lui, autant la version break semble plus partager les avis, le grief principal étant que la ligne de toit haute souligne la longueur de l’ensemble.

 

La Panamera Sport Turismo inaugure la disponibilité d’un configuration à 4+1 places, toutes les Panamera jusqu’ici étant de strictes quatre places avec division centrale. L’option sera ultérieurement rendue disponible sur les berlines à empattement court, mais reste d’un intérêt limité. La place centrale relève plus du “+0.5” de secours et donne au compartiment arrière une ambiance moins premium.

Le coffre gagne en capacité, mais plus modestement qu’on ne pourrait le penser: de 20 litres à 50 litres en rabattant les sièges arrière, ce qui est possible sur la Sport Turismo à raison de 40:20:40. Point important, le packaging des versions hybrides réduit les dimensions de leur coffre dans sa largeur: l’espace en aval des passages de roues arrière est occupé par la batterie 12V et d’autres périphériques. Le résultat est donc un coffre d’une capacité se situant entre une VW Golf et une Seat Leon ST pour un super-break de 5.05 mètres.

Capacité du coffre
Porsche Panamera 2 500 1340
Porsche Panamera 2 Sport Turismo 520 1390
Porsche Panamera 2 Sport Turismo E-Hybrid 425 1295
Porsche Cayenne 3 745 1710
Audi RS6 Avant (C7) 565 1680

La conclusion est donc que la Sport Turismo ne dispose pas d’un coffre significativement plus spacieux que la berline Panamera, nettement en-dessous de ce que les breaks ou SUVs de dimensions inférieures offrent. Et que le packaging des E-Hybrid est particulièrement pénalisant.

 

Autre détail spécifique à la Sport Turismo, l’intégration d’un spoiler de toit actif. Son inclinaison est de -7 degrés par rapport à l’horizontale jusqu’à 170 km/h (90 km/h en mode Sport), soit dans le prolongement de la ligne du toit. Il se lève de 8 degrés au-dessus de ce seuil, et jusqu’à 26 degrés si le toit panoramique est ouvert. Porsche revendique une augmentation de l’appui de 50 kg à la vitesse maximale. A la différence du nouveau Cayenne, le système d’aileron mobile de la Panamera Sport Turismo n’adopte pas de fonction “airbrake” en phase de freinage.

Nous parcourons nos premières dizaines de kilomètres dans une Panamera 4 E-Hybrid Sport Turismo, donc dans un silence total. En tendant l’oreille, on distingue le “vuiii” du moteur électrique alors que la boîte égraine les rapports dans une parfaite discrétion. Porsche a conçu cette PDK8 pour l’hybridisation. Le carter intègre un logement permettant de recevoir un moteur électrique en amont de la pignonerie. Le moteur peut ainsi fonctionner dans sa plage de régimes optimale et maintenir sa contribution en termes de puissance et de couple sur tous les rapports, comme son homologue à combustion interne.

En comparaison avec la Panamera 4, le V6 suralimenté développe les mêmes valeurs de couple maxi (450 Nm) et de puissance (330 ch), mais ces chiffres sont trompeurs car les moteurs sont différents. La Panamera 4 utilise le 3.0L à simple turbo commun aux Audi S4 et S5, alors que la version E-Hybrid reçoit le 2.9L biturbo commun aux Panamera 4S et RS4/RS5, mais ramenée à des valeurs de couple et de puissance identiques à la Panamera 4.

Panamera 4 Panamera 4 E-Hybrid Panamera 4S
Moteur V6 turbo 2995 cm3 V6 biturbo 2894 cm3 V6 biturbo 2894 cm3
Puissance thermique 330 / 5400-6400 330 / 5250-6500 440 / 5650-6600
Couple thermique 450 / 1340-4900 450 / 1750-5000 550 / 1750-5500
Puissance électrique 136 / 2800
Couple électrique 400 / 0-2300
Puissance système 330 / 5400-6400 462 / 6000 440 / 5650-6600
Couple système 450 / 1340-4900 700 / 1100-4500 550 / 1750-5500
0-160 km/h 13.3s 10.8s 10.1s

Pourquoi avoir choisi ce biturbo détuné ? Porsche ne fournit pas de réponse catégorique, mais il y a deux pistes: une meilleure efficience du 2.9L à faible charge grâce à son utilisation du B Zyklus (la version Audi du cycle Miller), et/ou un lag plus faible lors des transitoires de mise-en-marche du moteur, fréquents en conduite hybride.

Toujours est-il que les performances de la Panamera 4 E-Hybrid me surprennent alors que nous attaquons la D3 puis enquillons la D2 en direction du col de Vence. La sonorité est ronde à mi-régime et plus rageuse dans les tours, bien plus affirmée que je ne m’y attendais. Les relances en sortie de virage lent sont musclées et même si l’allonge sur les rectilignes n’a pas la gnaque infernale d’un über-autobahn-destroyer comme une Panamera Turbo ou une Audi RS6. Même avec trois adultes et leurs bagages à bord, les performances sont probantes en termes d’efficacité et attrayantes dans leur exploitation.

Le plus bluffant est que l’indicateur d’autonomie résiduelle reste stable au fil des kilomètres. Deux raisons à cela. La récupération d’énergie à chaque freinage, bien sûr, mais aussi la stratégie de gestion du système hybride. En mode Sport, la recharge du pack de batteries Lithium-Ion de 14.1 kWh ne s’opère que par récupération d’énergie cinétique. La pédale de frein répartit la force de freinage entre le moteur électrique (qui fonctionne alors en mode génératrice) et les 4 disques de frein. Le feeling à la pédale est très réussi et rend le système complètement transparent.

En mode Sport Plus, la E-Hybrid exploite le couple inutilisé du moteur à essence pour recharger les batteries, par exemple lorsqu’on soulage le pied droit pour négocier des enfilades sur un filet de gaz. Le résultat est que les performances sont constantes et ne s’évanouissent pas une fois la batterie épuisée. Le ballet peut être observé par les deux rangées LEDs qui encerclent la partie inférieure du compte-tours et renseignent sur le taux de recharge ou de livraison de couple électrique.

Le poids est par contre perceptible: la Panamera 4 E-Hybrid Sport Turismo est annoncée à 2190 kg DIN, contre 2035 kg pour une Turbo Sport Turismo et 1915 kg pour une 4S dans la même carrosserie. A motorisation comparable, le système E-Hybrid pèse 275 kg, et cette masse altère sans doute la répartition entre les trains. Dans les appuis francs, on sent tout d’abord le retard dans le placement, puis la masse qui torture les PZero.

Dans l’absolu, la performance est remarquable, d’autant plus que la nouvelle suspension pneumatique – même sans le PDCC Sport en l’occurrence – accomplit un travail remarquable, que ce soit pour contenir le roulis, ou les mouvements longitudinaux de cabrage et de plongée. Le compromis entre tenue de caisse et confort est remarquable, et reste confortable sur son réglage le plus dur. L’amortissement pourrait par contre se révéler trop souple sur bon revêtement, il reste nettement plus souple qu’une Audi RS6 en mode Dynamic par exemple.

 

Et les roues arrière directrices ? Le tour de force de Porsche et que, à l’instar de la GT3, leur action est tellement bien jugée qu’elle est imperceptible. L’action du système se fond dans les réactions d’un châssis dont les aptitudes font complètement oublier l’empattement conséquent. Dans ce domaine, mon ressenti diffère radicalement et positivement de mon premier essai de la Panamera 2, réalisé avec une monte d’hiver en 20 pouces.

Éloquente sur parcours sinueux, et sereine dans les évolutions urbaines, la Panamera 4 E-Hybrid est également une autoroutière agréable, même si les relances dans les côtes de l’A8 qui nous ramène sur la Turbie manquent un peu de panache. En mode électrique, les 138 chevaux du moteur électrique sont trop limités pour tenir une vitesse de croisière normale sur des gradients prononcés. Il faut vraiment comprendre le système électrique comme un élément d’appoint destiné à une efficience maximale dans les évolutions à très faible charge.

Parvenus à notre étape sur la péninsule du Cap Ferrat, nous troquons notre E-Hybrid pour repartir dare-dare vers le col de Vence au volant d’une Panamera Turbo Sport Turismo, dans une livrée craie du plus bel effet, ce qui ne gâche rien. De très docile dans la mélasse de l’agglomération niçoise, l’ascension de la D2 donne toute la mesure des performances du nouveau V8 biturbo de Porsche. Pour rappel, les 3 cm3 de différence par rapport au 4.0L TFSI d’origine Audi cachent en fait un moteur tout nouveau. Il cote 84.5×89 mm contre 86×86 mm pour le moteur des RS6 et RS7, les deux turbocompresseurs twinscroll prenant également place au centre du V, et soufflant jusqu’à 2.0 bars. Résultat: 770 Nm de 1960 à 4500 t/min, et 550 chevaux de 5750 à 6000 t/min.

Qualifier les accélérations de féroces tient de l’euphémisme, ce moteur délivre les performances attendues à un tel niveau. Des reprises tonitruantes, une aptitude à avaler le moindre rectiligne dans une poussée inlassable. Le staccato du V8 est naturellement audible, tout comme les plops plops plops de circonstance en retenue, mais la sonorité d’ensemble est contenue, plus discrète que sur l’incontournable RS6, référence des super-breaks et dont la clientèle est une des cibles de Porsche. En mode attaque, je n’ai pas du tout été dérangé par le lag du V8, mais ce rythme soutenu où l’on use et abuse de l’excellente boîte PDK peut plus facilement masquer les effets de la suralimentation qu’une conduite un peu plus coulée.

L’autre aspect qui ressort de cette deuxième visite au col de Vence est la plus grande agilité de la Turbo par rapport à la 4 E-Hybrid. La différence de 155 kg se sent dans les enchaînements et les gros appuis, donnant l’impression que la Turbo est nettement plus alerte dans ses transitions et franche dans ses réactions. La présence du système anti-roulis PDCC Sport et de la monte pneumatique en Continental Sport Contact 5 y contribuent sans doute aussi. La copie d’ensemble est de très haut niveau sur un terrain de petite départementale sinueuse et bosselée qui ne devrait pas aussi bien convenir à une auto de ce gabarit et de ce poids. Le freinage est fidèle à la réputation de Porsche, infatigable, précis dans son exécution, rassurant dans sa constance et son mordant.

Les sièges adaptatifs à 18 axes, dont nos exemplaires d’essai sont malheureusement dépourvus, sont une option indispensable pour maintenir le corps au rythme dont cette Panamera est capable. La nouvelle console centrale et son système Direct Touch Control s’est révélée utilisable même si il reste impossible d’aller chercher des boutons au toucher et qu’il faut détourner son regard, par exemple pour changer de mode d’amortissement.

La Panamera Sport Turismo est plus une affaire de style qu’une réelle question de vocation. Les différences pratiques ne sont pas assez significatives pour justifier l’aiguillage d’un choix sur d’autres critères que l’esthétique. La différence de tarif est également mineure. Même des équipements exotiques comme un crochet d’attelage sont disponibles sur les deux versions. Il est par ailleurs regrettable que la capacité des versions E-hybrid souffre à ce point de leur packaging spécifique.

Le choix des motorisations est plus épineux. La version Panamera 4 E-Hybrid est parfaitement recommandable. Son niveau de performance n’est pas au niveau d’une 4S, mais largement suffisant pour être homogène, son prix est comparativement attractif (-9’600 CHF) sans même argumenter sur des considérations fiscales, et la perspective de rouler en mode électrique au quotidien est un réel plus en termes d’agrément. Il n’y a pas de concurrence directe, hors SUVs hybrides (Porsche Cayenne, Volvo XC90 ou Audi Q7 e-tron, avec des performances moindres pour les deux derniers).

La Panamera Turbo Sport Turismo nous propulse dans d’autres sphères. Sa définition l’envoie chasser sur les terres d’une Audi RS6 Avant ou d’une Mercedes E63 AMG. En comparaison avec la référence RS6, la Panamera Turbo offre des performances et un comportement très concurrentiels, même si une inconnue subsiste sur le comportement de sa suspension pneumatique sur très bons revêtements. La RS6 oppose une définition sportive un peu plus affirmée, tant dans son tarage de suspension en mode Dynamic que par sa note d’échappement, un format légèrement plus compact (les apparences sont trompeuses), mais surtout une capacité de chargement incomparable. Quitte à avoir un break, ne devrait-il pas offrir un minimum de place ? La différence de tarif est conséquente et tourne largement à l’avantage de l’Audi.

Reste enfin à traiter le cas de la Turbo S E-Hybrid. Nous avons pu prendre le volant d’une berline Executive ainsi motorisée (la version Sport Turismo n’ayant été annoncée que quelques jours auparavant), mais sur un parcours inadapté pour pouvoir porter un jugement sur les effets de ses 2325 kg DIN sur son comportement routier. Sur le papier, la combinaison entre le luxe électrique et le souffle du V8 biturbo paraît alléchante, mais quid de sa cohérence ?

En conclusion, la carrosserie Sport Turismo ne révolutionne pas la vocation de la Panamera, celle d’une grande berline coupé accomplie, élégante et rigoureuse. A l’instar de la 911 Targa par rapport au Cabriolet, la différence relève plus de la micro-segmentation que d’une différenciation significative. A l’image d’un portefeuille produit pléthorique, mais tout en nuances.

Face à la concurrence – caractéristiques techniques

Porsche Panamera 4 E-Hybrid Sport Turismo Porsche Panamera Turbo Sport Turismo Audi RS6 Avant Performance
Moteur V6 biturbo 2894 cm3 V8 biturbo 3996 cm3 V8 biturbo 3993 cm3
Puissance (ch / t/min) 462 / 6000 550 / 5750-6000 605 / 6100-6800
Couple (Nm / tr/min) 700 / 1100-4500 770 / 1960-4500 700 / 1750-6000
750 / 2500-5500
Transmission 4RM 4RM Quattro
Boite à vitesses PDK8 PDK 8 S Tronic 8
RPP (kg/ch)  (4.74) (3.7) (3.22)
Poids DIN (constr.) (2190) (2035) (1950)
0-100 km/h (sec.) 4.6 3.6  3.7
0-160 km/h (sec.) 10.8 8.2
Vitesse max. (km/h) 275 304 250/280/305
Conso. Mixte (constr.) (2.6) (9.5) (9.6)
Emissions CO2 (g/km) 59 217 223
Réservoir (l) 80 90  75
Longueur (mm) 5049 5049  4979
Largeur (mm) 1937 1937  1936
Hauteur (mm) 1428 1432 1461
Empattement (mm) 2950 2950 2915
Coffre (L) 425-1295 520-1390  565-1680
Pneumatiques  265/45 R19
295/40 R19
275/40 R20
315/35 R20
 275/35 R20
Prix de base (CHF) 137’000 193’500  144’590
Prix de base (EUR) 114’782 161’927 135’160

Nos remerciements à Porsche Suisse pour l’invitation à ce lancement,

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Liens

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