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Essai longue durée Porsche 996 Turbo X50

Porsche 996 Turbo x50 Laguna Seca

Bilan après une année au volant d’une Porsche 996 Turbo X50. 

Vendredi 19 janvier 2007, je parcours mon dernier trajet au volant de ma 996 Carrera, en direction de la concession Porsche de Walnut Creek. Après plus de deux mois de tentatives de vente de particulier à particulier, j’ai fini par concéder une reprise à un tarif âprement négocié. La décote est sèche, mais le soulagement de me séparer d’une voiture aux perspectives de fiabilité incertaines est réel. Une heure plus tard, je fais le trajet inverse au volant d’une 996 Turbo de deux ans sa cadette et affichant 50000 km de moins au compteur. Le contraste est frappant. La douceur de l’embrayage, le cuir soyeux du volant sport, l’absence relative de rossignols sur le revêtement défoncé, le bruit du moteur. Les reprises du flat 6 biturbo semblent être nettement plus velues, mais je suis sagement le flot du trafic pour ramener la voiture à bon port.

Soulagé de se débarrasser d’une 911 Carrera pour rempiler avec une 911 Turbo peut paraître paradoxal. Les 130 chevaux de bonus y sont naturellement pour quelque chose, tout comme le bond spectaculaire en couple maxi (+67%, de 370 à un très respectable 620 Nm) mais c’est aussi la réputation de fiabilité de l’autre 3.6L qui restaure la confiance. Malgré une cylindrée rigoureusement identique, la construction du bloc de la Turbo (et de sa soeurette GT3) n’a rien (ou si peu) à voir avec son homologue équipant la Carrera. Difficile d’élaborer sans sombrer dans des détails pédants et largement spéculatifs. Invitation à sauter un paragraphe au lecteur pressé.

Le moteur d’une Carrera est construit autour de deux blocs cylindres, coiffés chacun de leur culasse et se rejoignant au niveau du vilebrequin. GT3 et Turbo héritent d’une architecture développée pour la GT1 victorieuse au 24H du Mans en 1996. Le 6 cylindres boxer est toujours refroidi par eau, mais les bancs de cylindres sont séparés du bloc moteur, offrant ainsi une meilleure rigidité structurelle à l’ensemble. La corrélation avec les problèmes de fiabilité des 996 Carrera n’est pas démontrée mais reste une hypothèse valable.


Un moteur de 996 Turbo. Le bloc de cylindres séparé est visibile sur la droite.

J’avoue avoir eu beaucoup de peine à acclimater mes rétines à l’esthétique de la 996 Turbo : à son lancement, les optiques de phares et les ouïes béantes m’affligent autant que le faciès incongru de la Ferrari 360 Modena. Ironiquement, cette même Porsche est la première supercar qu’il m’est donné d’essayer à l’automne 2000. La voiture est jaune canari, chère, totalement balistique sur un Mollendruz parcouru 3 tailles au-dessus de mes toutes petites chaussures de pilote-conducteur inconsciemment inexpérimenté. La Turbo m’impressionne mais ne me séduit guère. Chère et alors incommensurablement moins désirable qu’une Ferrari, j’achète ma 355 GTS F1.

Porsche 996 Turbo Slate Grey

Sept ans plus tard, notre nouvelle locataire aux poumons anabolisés trône sous un soleil radieux qui dément le calendrier. La couleur (optionnelle, 2245$ tout de même) gris ardoise donne un cachet indéniable à l’auto, plus chic que les ubiquitaires gris Kerguelen (Seal grey aux Etats-Unis) ou gris arctique. L’option cuir souple et les écussons Porsche tatoués dans les appuie-tête sont plaisants au regard, mais ne changent hélas rien au rembourrages chétifs des sièges. Le reste de la finition intérieure est au standard de la 996, à savoir à la limite de l’inacceptable pour une voiture de ce prix. Seuils de portes en inox, console centrale cousue de cuir avec couvercle estampillé ‘Turbo’ sont également en option. L’intérieur n’en est guère plus gai, mais il a néanmoins coûté cher. Côté finition, la voiture présente initialement moins de rossignols que sur ma Carrera, mais la situation se dégradera rapidement sur les revêtements épouvantables de Californie, avec grincements et craquements qui gâchent le plaisir de conduire la voiture à un rythme de balade.

L’option X50 représente le pinacle de la démarche marketing de Porsche. Facturée une petite fortune et demi (17550$ aux Etats-Unis en 2003), l’attractivité de l’offre n’est pas éblouissante sur le papier. La puissance passe de 420 à 450 chevaux, le couple augmente d’une cinquantaine de newton-mètres pour atteindre 620 Nm, mais à un régime supérieur de 800 t/min. Toujours sur le papier, les performances revendiquées par Porsche ne varient guère, avec un 0-100 km/h inchangé à 4.2s et 2 km/h gagnés en vitesse de pointe (307 au lieu de 305). C’est cher payé, mais Porsche ne ménage pas les moyens pour y parvenir, utilisant des composants de la très exclusive GT2. Loin d’un simple chip tuning, les deux turbos K16 sont remplacés par la taille au-dessus chez 3K (K24), les échangeurs prennent du galon pour garder l’air ainsi compressé frais et thermodynamiquement efficace. Le résultat transfigure le caractère moteur de la Turbo.


Côte à côte: un turbo K16 et un turbo K24 (X50 / Turbo S / GT2)

D’une poussée franche et constante dès 2000 tours sur la Turbo “de base”, la X50 gagne en caractère ce qu’elle perd en agrément : elle vous toise pendant une interminable seconde, puis vous attrape par la peau du cou et vous envoie valdinguer avec la délicatesse d’une femelle grizzly en pleine bouffée d’hormones. A défaut d’être réellement efficace, le résultat impressionne, le temps de réponse et l’élévation du régime de boost des turbos magnifiant encore le formidable coup de pied au popotin à l’approche des 3000 tours. Je confesse être assez blasé, mais ma nouvelle acquisition m’a donné du fil à retordre pendant quelques temps, me forçant à reprendre mes marques en termes d’assimilation mentale des sensations visuelles et physiques procurées par cette boule de nerfs.

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