Technologie et société
Publié : 06 janv. 2017 17:24
Bien sûr la technologie offre de nouvelles possibilités et c’est tant mieux. Mais il est faux de dire qu’elle « ne fait qu’offrir de nouvelles possibilités ». Chaque innovation, et l’histoire le prouve, apporte son lot de problèmes en même temps qu’elle en résout d’autres. Quand les voitures ont commencé à se généraliser tout le monde était content de voir les énormes problèmes liés aux chevaux disparaître (le fumier, les maladies, les odeurs, les poussières et… le très haut niveau de mortalité). On était loin de penser aux problématiques au sens large que le trafic motorisé allaient générer. Il n’a d’ailleurs pas fallu attendre longtemps pour s’en rendre compte.Mutorcs a écrit :Je partage pas du tout votre fatalisme.
La technologie ne fait qu'offrir de nouvelles possibilités. Que ça nous avilisse ou que ça nous permette d'évoluer vers quelque chose de mieux dépend juste de notre façon de s'en servir.
Dans ce cas précis, la technologie devrait rendre la mobilité individuelle plus sûre... Je tends plutôt à voir ça comme une bonne chose.
C’est tout le problème des ingénieurs et autres vendeurs de solutions miracles (il y a des courants dans la Silicon Valley qui soutiennent que les apps sont LA solution aux problèmes de l’humanité) souvent aveuglés par les seuls progrès procurés par leurs innovations quand ce n’est pas par l’idée des profits qu’ils peuvent en tirer.
Au point qu’ils en oublient les conséquences, Tesla en est la parfaite illustration. Car eux et les autres Google ne font pas dans la philanthropie ce qui nous oblige, les individus supposés doués d’intelligence que nous sommes, de prendre du recul pour comprendre l’entier des enjeux.
C’est encore plus vrai aujourd’hui que derrière les innovations du genre self-driving cars se cache l’opportunité de collecter des données dont l’utilisation va servir à des buts autres que la réduction du nombre de fatalités sur les routes. Si les Google et Apple se lancent d’une façon ou d’une autre dans ce domaine, ce n’est pas par un intérêt subit pour l’automobile mais pour continuer à collecter de la donnée. D’ici à imaginer qu’une self-driving car va nous faire prendre un chemin qui passe devant une Migros plutôt qu’une Coop parce que l’on préfère le premier au second, il n’y a qu’un pas.
Ce qui nous amène à la notion d’avilissement.
On ne peut pas se reposer en pensant que l’homme saura se servir intelligemment d’une innovation quelle qu’elle soit. Là encore l’histoire montre qu’il n’y a pas de processus naturel qui garanti systématiquement une exploitation positive d’une invention. Il faut aussi se rapporter au contexte dans lequel nous sommes et dans lequel nous évoluons. Un contexte dominé par le data (d'ailleurs on ne s’en sort plus, chez beaucoup maintenant c’est devenu une fixation au point que l’on rejette systématiquement ce qui n’est pas supporté par des faits ou des chiffres, or il n’y rien de tel pour développer des blind-spots). Le problème est que le data aujourd'hui n’est plus là seulement pour simplifier nos tâches mais pour aussi nous présenter une vue des choses qui résulte de l’application d’algorithmes dont on ne connaît rien. Par définition cette vue crée chez l’individu une perception distordue de la réalité dont il ne se rend souvent même pas compte. Un simple exemple pour un même terme ta recherche Google ne donnera pas les mêmes résultats que la mienne. Ou encore les résultats de mes propres recherches seront différents selon le pays dans lequel je me trouve. C’est par exemple aussi la problématique de l’influence des fake news, ou de l’influence des fils de certains réseaux sociaux. Le problème, et c’est là que la notion d’éducation prend tout son sens, est que la plupart des individus auxquels ces vues sont présentées n’ont pas la capacité à prendre du recul et mettre en perspective ces vues. Ils les considèrent comme réalité ce qui amène à ces sondages affligeants qui montrent à quel point des masses importantes d’individus croient en des choses qui ne sont tout bonnement pas vraies (voir par exemple cette page partagée par JC http://www.politicususa.com/2016/12/08/ ... ality.html par ailleurs).
Encore une fois la technologie ne nous aide plus uniquement à réaliser plus facilement des tâches, ou nous apporter pde nouvelles possibilités. Elle règle et dirige aussi la façon dont nous nous comportons et dont nous pensons. Elle oriente nos vies. Vu sous un autre angle, elle nous fait perdre notre libre arbitre et notre capacité à décider nous même de notre destin. La technologie ne nous libère pas, elle nous emprisonne (d'ailleurs bientôt plus personne ne peut vivre plus de cinq minutes sans son portable).
Cet avilissement est renforcé par le fait que le cerveau, tout comme les muscles, a besoin d’entraînement pour fonctionner au maximum. Tu ne fais pas fonctionner ton cerveau, tu t’abêtis. Tu t’entraînes par la lecture, par l’écriture, par des jeux, des exercices de mémorisation, etc. tu améliores ta capacité de réflexion. Les algorithmes nous facilitent la vie mais ils ont aussi comme effet de bord pervers qu’ils réduisent nos besoins à faire appel à notre cerveau.
On y est. Sauf que l'on est dans une période différente et plus complexe que celle du lave-vaisselle, voir plus haut.ze_shark a écrit :Si on prend l'angle optimiste, la conduite autonome sera un facteur de productivité au sens large. On peut débattre de l'utilité de ce temps libre s'il est passé à gober des fakes news sur un réseau social, mais en général, on devrait considérer ça comme un progrès. Comme le lave-vaisselle.
Cela dit l’argument de la productivité est l’argument bateau que l’on sert systématiquement avec toute innovation. Il y a des gains en productivité oui, mais il y a aussi des coûts. Sociaux. Ca personne, et en tout cas pas les ingénieurs et les entreprises, n'est motivé à se confronter à cette réalité. C’est là où généralement on attend que l’état prenne la relève et fasse le sale boulot.
Mais alors pourquoi applaudir le statement de Toyota alors que l’on n’est même pas convaincu que les self-driving cars réduiront les fatalités. Quelque chose m’échappe.ze_shark a écrit :Pour la sécurité, je suis beaucoup plus dubitatif. Les accidents mortels ont lieu en grande majorité sur les tronçons où la conduite autonome arrivera en dernier, si et quand elle arrive, soit hors autoroutes. Pour moi, ceux, dont Musk, qui vendent de l'accidentologie feraient mieux de vendre du temps.
Cela dit pour moi Toyota raconte n’importe quoi mais surtout quelque chose qui l’arrange. Comment peut-on affirmer que la société accepte ces fatalités alors que la réduction de la mortalité sur les routes fait partie des priorités de la plupart des gouvernements ? Il n’y a aucune contradiction avec l’exigence que les self driving cars offrent une sécurité maximale. Au contraire c’est tout à fait consistant.
Mais peut-être que Toyota n’a pas encore digéré de s’être retrouvé à devoir rappeler dès 2009 des millions de véhicules dans le monde pour ses fameux problèmes de pédale d’accélération…
Mes excuses pour ce post à la vravo !